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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 13 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Jean Mallot

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-Luc Warsmann,

M. Jean-Marc Ayrault

Rappels au règlement

M. René Dosière

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. Arnaud Montebourg

M. Jean Mallot

M. Bruno Le Roux

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

M. Jean-Marc Ayrault

Rappels au règlement

M. Manuel Valls

M. Arnaud Montebourg

M. Jean Mallot

Question préalable

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, M. Jean-Marc Ayrault, M. Benoist Apparu, M. Jean Mallot, Mme Martine Billard, M. Jean-Christophe Lagarde

Discussion générale

M. Arnaud Montebourg

Mme Martine Billard

Motion référendaire

M. Manuel Valls

M. Jean-Jacques Urvoas

Reprise de la discussion

M. Jean-Christophe Lagarde

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Application des articles 34-1, 39 et 44
de la Constitution

Suite de la discussion d’un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, la séance de cet après-midi a été levée sur un désaccord.

M. Jean Mallot. Une certaine frustration !

M. Jean-Marc Ayrault. D’ailleurs, vous êtes allé très loin – peut-être même avez-vous pris un risque – dans l’interprétation des textes, ce qui vous a conduit à prendre partie sur les questions de fond à l’ordre du jour ici.

L’article 45 de la Constitution prévoit que : « Tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » Du reste, si j’ai bonne mémoire, c’est le président Warsmann qui avait demandé que soit inscrite cette précision, ce qui montre bien que les 1013 amendements que vous avez déclarés irrecevables sont, au contraire, acceptables en première lecture.

Puisque nous sommes en désaccord sur l’interprétation de la Constitution – je rappelle que celle-ci relève non pas du président de l’Assemblée nationale mais du Président de la République ou du Conseil constitutionnel – il convient, avant de poursuivre nos travaux, de relire les débats qui ont précédé le vote de la Constitution et de réunir en urgence la commission des lois.

Que les choses soient claires : si nous commençons l’examen de ce texte sur un malentendu, un climat lourd risque de se développer dans l’hémicycle, ce que nous ne souhaitons pas.

M. Bernard Deflesselles. C’est une menace ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est du cinéma !

M. Jean-Marc Ayrault. Il en va de la question fondamentale du droit d’amendement des membres du Parlement. En déposant des amendements, nous n’avons fait que notre devoir et exercé notre rôle de parlementaire. Vous les avez rejetés ; si l’on s’en tient à l’interprétation de l’article 45, il faut les réintroduire.

À ceux qui m’opposeront que ce texte n’entrera en application que le 1er mars, je répondrai que nous avons commencé à appliquer des articles qui devaient, eux aussi, entrer en application plus tard. Je pense notamment à l’article 35 qui concerne l’engagement des troupes françaises dans les opérations extérieures. Nous nous sommes déjà prononcés une fois sur l’intervention en Afghanistan et, ce matin, M. Karoutchi a donné connaissance de la lettre qu’il vous a adressée, monsieur le président, indiquant que, d’ici à quelques semaines, nous aurions à nous prononcer, dans le cadre de l’article 35, donc par anticipation, sur l’engagement des troupes françaises au Kosovo, en Côte d’Ivoire et en République centrafricaine.

Ce qui est possible pour l’article 35 l’est donc tout autant pour l’article 45. Voilà pourquoi, monsieur le président, je demande que la commission des lois se réunisse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, je suis très touché de recueillir, même un peu tardivement, le soutien du président du groupe socialiste...

M. René Dosière. Tout arrive !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. ...sur l’amendement que j’avais défendu ici même, permettant la recevabilité des amendements ayant un lien indirect avec le texte déposé ou transmis. Effectivement, je pense qu’il s’agit là d’un progrès.

Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Ayrault, l’article 45 ne sera applicable qu’à partir du 1er mars 2009.

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous ai répondu par anticipation !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mais cet argument ne suffit pas, car si l’amendement que nous avons voté à l’article 45 permet la recevabilité d’amendements ayant un lien indirect avec le texte déposé ou transmis, il s’applique aux textes ayant la même valeur juridique. Or, nous examinons ici des textes qui ont valeur organique.

M. Jean-Marc Ayrault. C’est vous qui l’interprétez ainsi !

M. Manuel Valls. C’est fallacieux !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Même si je me réjouis de votre soutien sur les mesures votées à l’article 45, il n’est pas opérant au regard des dispositions qui ont été appliquées fort justement par la présidence de l’Assemblée.

M. Alain Néri. Ce n’est pas un argument !

M. le président. Monsieur Ayrault, je vous rappelle que l’article 45 auquel vous faites référence est l’un de ceux qui entrera en application le 1er mars prochain. Nous n’y sommes pas encore.

La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Tout travail législatif est par nature une anticipation. Il faut donc nous préparer à l’application, le 1er mars prochain, de dispositions nouvelles.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Même s’il s’appliquait, cela n’aurait pas d’impact !

M. Jean Mallot. Nous sommes déjà le 13 janvier. Il est temps que notre assemblée se lance dans la prospective, laquelle a, jusqu’à présent, bénéficié à la carrière d’un de nos anciens collègues devenu ministre chargé de la prospective.

Mme Sandrine Mazetier. M. Karoutchi est-il visionnaire ?

M. Jean Mallot. Restons dans la prospective : les textes que vous avez votés vont s’appliquer dans quelques semaines.

Monsieur Warsmann, je suis très perplexe. N’étant pas membre de la commission des lois, j’ai suivi d’une oreille les débats sur la funeste révision constitutionnelle adoptée par le Congrès en juillet dernier. Ce que nous avions considéré alors comme une menace sur le droit d’amendement nous montre que nous avions raison, au vu de ce qui se passe depuis quelques jours. M. le président était venu une nuit au débotté donner toutes assurances à l’opposition, inquiète à propos de ce fameux droit d’amendement.

Ce que je vais dire est très important quant au devenir du texte que nous discutons : du reste, si de nombreux députés du groupe de l’UMP sont très attentifs, c’est qu’ils ont bien compris que votre dispositif comprend une faille énorme.

M. Jean Leonetti. C’est terrifiant !

M. Jean Mallot. Écoutez bien, vous allez voir !

M. Bernard Deflesselles. Vous êtes tellement brillant et vous pontifiez si peu…

M. Jean Mallot. Il me semble qu’à l’époque, une partie du débat constitutionnel avait porté sur le souhait de donner au travail législatif en commission une plus grande ampleur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez bien, ce n’est pas très difficile à comprendre. (Mêmes mouvements.)

M. Bernard Deflesselles. Descendez un peu de votre Aventin !

M. Jean Mallot. Il avait ainsi été prévu – et cela a été voté – que si le texte qui venait en discussion dans l’hémicycle était issu de la commission, c'est-à-dire amendé, on s’efforcerait de démultiplier le travail en commission afin de préparer celui de l’hémicycle.

Je me rappelle très bien que toutes assurances avaient été données tant par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement que par vous-même, monsieur le président de notre assemblée, garant des droits de l’opposition, que tout amendement qui serait déposé, discuté et mis aux voix en commission viendrait en séance publique. C’est, je crois, la phrase quasiment exacte.

Comme un bon député bien consciencieux,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas du tout !

M. Jean Mallot. Plus que vous, chers collègues. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le président, je suis sans cesse interrompu de façon intempestive. Cette obstruction de l’UMP est assez difficile à vivre, je dois le dire.

M. le président. Seul l’orateur a la parole !

M. Jean Mallot. Très consciencieux, j’ai donc pris connaissance du rapport que notre éminent président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, a commis, rapport qui sert de base à nos travaux dans l’hémicycle.

Voici ce que j’ai pu y lire : « La commission est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas insérant un chapitre relatif au statut de l’opposition. […] La commission est saisie d’un amendement attribuant à la majorité et à l’opposition un temps de parole égale durant les séances de questions d’actualité. »

M. Benoist Apparu. Quel rapport avec le règlement ?

M. Jean Mallot. Il est très clair mais vous ne le voyez pas parce que vous n’étiez pas là tout à l’heure. Vous ne suivez pas les débats ! C’est un peu ennuyeux.

Le président, se fondant sur l’alinéa 3 de l’article 127 de notre règlement a jugé que les amendements en question ne devaient pas venir en séance publique. Or ces 1 000 amendements ont été examinés en commission, présentés par M. Jean-Jacques Urvoas, qui a rappelé, ainsi que M. Dosière, les propos de M. Accoyer, président de l’Assemblée nationale, ici présent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est très important ! Vous ne vous rendez pas compte que vous nous faites discuter d’un texte que le Conseil constitutionnel annulera ! Faites attention ! Soyez prudents !

Je vois simplement qu’en dépit des avertissements, notamment de MM. Montebourg et Valls, ces amendements sont rejetés de la discussion en séance publique.

M. le président. Je vous prie de conclure.

M. Jean Mallot. Ces amendements ont bel et bien été considérés comme recevables en commission puisqu’ils y ont été examinés – le débat fait deux pages – et mis aux voix par M. le président de la commission des lois, également rapporteur du texte. Ces amendements ayant subi toute la procédure en commission doivent venir en séance publique. Aucune règle ne permet de s’y opposer. Monsieur le président, vous êtes dans l’erreur ! Par cette décision intempestive, vous avez fragilisé la démarche législative organique du Gouvernement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. J’ai reçu de la part de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable…

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un nouveau rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons commencé à préciser les termes du débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais nous ne pouvons pas en rester là. S’il n’est pas possible d’obtenir la réunion de la commission des lois – je souhaite avoir l’appui du président Warsmann –, je demanderai une suspension de séance pour réunir mon groupe. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est M. le président et rapporteur de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président Ayrault, je m’efforce, pour chaque problème, de soupeser les choses comme elles devraient l’être. Il n’y a aucune raison de réunir la commission des lois.

M. Jean-Marc Ayrault. 1 000 amendements ont été supprimés !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’est passé exactement la même chose que lorsqu’une commission permanente émet un avis sur un amendement qui y a été présenté et débattu, avant d’être déclaré irrecevable par M. le président Migaud au titre de l’article 40. C’est exactement la même situation ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Néri. C’est faux !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On pourrait imaginer en droit – c’est manifestement ce à quoi vous aspirez – que les règles soient transposables et qu’à l’avenir, le président de l’Assemblée rappelle à tous les présidents de commission qu’ils doivent se raidir en interdisant eux-mêmes la tenue de tout débat sur ce type d’amendements en commission. Cela peut être une règle de fonctionnement et, je le répète, c’est manifestement celle à laquelle vous aspirez. Ce n’est pas la règle actuelle. Aujourd'hui, en effet, les commissions permanentes émettent des avis sur des amendements qu’elles ont examinés avant que ces mêmes amendements ne se voient opposer, par le président Migaud, l’irrecevabilité au titre de l’article 40. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.

M. Alain Néri. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Sur le présent texte, ce n’est pas au titre de l’article 40, mais au titre de l’article 127, que des amendements, contraires à notre règlement, ont été déclarés irrecevables après que je les ai laissé examiner en commission des lois. Reconnaissez toutefois que j’ai eu l’honnêteté, pour chacun de ces amendements, de prévenir qu’ils ne relevaient pas d’une loi organique.

J’observe que vous me demandez, de fait, de ne plus accepter la prochaine fois que de tels amendements soient présentés en commission. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.

M. Alain Néri. Scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, je pense qu’à l’occasion d’une prochaine Conférence des présidents ou d’une prochaine réunion du Bureau nous évoquerons cette question en vue de durcir l’application du règlement. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Manuel Valls. Quel aveu !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Alors que ce n’était pas la pratique de la commission des lois, je suis stupéfait de me le voir actuellement reprocher par l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le président, j’ai cru comprendre que sur aucun banc, ce soir, qu’il s’agisse de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du Nouveau Centre ou de l’UMP, on ne souhaite faire de l’obstruction sur le projet de loi organique. Sommes-nous d’accord ? Si quelqu’un veut faire de l’obstruction, qu’il le dise !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est la raison pour laquelle je demande que nous passions à la suite de l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous sommes dans une parfaite hypocrisie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a quelques instants, le président Warsmann a objecté que ma lecture de l’article 45 – « Tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien même indirect avec le texte déposé ou transmis » – ne s’appliquait qu’à compter du 1er mars. Or il vient de nous affirmer que, de toute façon, à l’avenir, il ferait tout pour empêcher la discussion du type d’amendements que nous avons déposés.

On s’engage actuellement sur une voie extrêmement dangereuse. C’est pourquoi, monsieur le président, je vous demande, avant de poursuivre nos travaux, une suspension de séance pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. René Dosière. À l’issue de la réunion de notre groupe, certaines interrogations subsistent.

M. Bernard Deflesselles. À quoi a servi cette réunion alors ?

M. René Dosière. J’insiste auprès du président de la commission des lois sur le fait que nous n’avons trouvé dans le règlement aucun élément concernant la recevabilité des amendements telle qu’il nous l’a exposée.

Il existe une recevabilité constitutionnelle qui n’est pas du ressort du président de la commission des lois, une recevabilité financière – aux termes de l’article 40 de la Constitution –, de la compétence du président de la commission des finances. Ce ne sont pas les critères de recevabilité dont nous discutons ici. De surcroît, il existe une recevabilité législative, dont l’appréciation est du ressort non du président de la commission des lois mais du Gouvernement. Quant à la recevabilité sur la procédure des amendements, elle est fixée par les dates de leur dépôt. Nous ne sommes pas non plus dans le cas de la recevabilité des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour finir, il existe des procédures particulières en ce qui concerne les amendements visant à la suspension de la détention d’un député – nous n’en sommes pas là.

Autrement dit, monsieur le président, quand vous nous dites que vous avez fait jouer une sorte de droit, très subjectif, de la recevabilité de ces amendements,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non ! Très objectif !

M. René Dosière. …ce droit n’existe pas.

Lors de la discussion sur la modification de la Constitution, nous avions évoqué la création d’une recevabilité de ce type, par homothétie avec la recevabilité financière, mais nous y avons renoncé en raison de la difficulté qu’aurait présenté sa mise en application.

Par conséquent, rien ne vous permettait de soutenir que ces amendements n’étaient pas recevables. Ils étaient d’autant plus recevables que nous les avons examinés en commission.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ils ont été rejetés !

M. Jean Mallot. Plus exactement : mis aux voix !

M. René Dosière. Malgré leur caractère très constructif, il est vrai que la commission les a repoussés. Cependant, dès lors qu’ils ont été discutés et mis au vote en commission, nous pensons qu’il est légitime de les examiner…

M. Jérôme Lambert. En séance publique !

M. René Dosière. …dans l’hémicycle.

Sur la question de savoir si ces amendements entrent ou non dans le cadre d’une loi organique, il revient au Conseil constitutionnel d’en juger. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler qu’une loi organique doit être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Aussi, ce que nous aurons voté, le Sénat pourra le modifier. Et, in fine, à supposer que nos amendements soient maintenus et mis aux voix, c’est bien le Conseil constitutionnel qui appréciera la constitutionnalité du texte puisqu’il se saisit d’office des lois organiques.

Le président de la commission outrepasse donc les pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement et par la Constitution. C’est la raison pour laquelle, faute de réponse à toutes ces questions, nous souhaitons en effet que la commission des lois examine à nouveau le texte. Ce n’est pas perdre du temps !

M. Jean Mallot. Au contraire !

M. René Dosière. Il est tout de même surprenant que face à d’aussi importantes questions, la majorité applique des procédures d’obstruction. Nous posons des questions sérieuses et l’on nous répond par le mépris ou à côté, alors que nous souhaitons mener un débat constructif, avancer, lentement, sans doute, tant il est vrai que qui va lentement va sûrement. Aussi maintenons-nous notre demande de réunion de la commission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le contrôle en aval du Conseil constitutionnel n’interdit en rien, au contraire, l’obligation pour chaque autorité de jouer son rôle en application de la Constitution et du règlement,…

M. Claude Goasguen. Évidemment !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …d’autant que chaque article du règlement – et notamment l’article 127, alinéa 3 sur lequel s’est fondé le président de l’Assemblée – a été validé par le Conseil constitutionnel. Or, en vertu de l’article 127, alinéa 3, le président de l’Assemblée a le devoir institutionnel de veiller à ce que les amendements en question aient un caractère organique.

Il n’y a donc aucune contradiction et, monsieur le président, aucun groupe parlementaire, j’insiste, ne voulant être accusé d’obstruction, je souhaite que le débat se poursuive et que le point suivant prévu à l’ordre du jour – l’examen de la question préalable – soit appelé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg. Cette discussion est importante car l’annulation d’une partie de nos amendements est de nature à vicier le débat.

M. Claude Goasguen. C’est ça, oui !

M. Arnaud Montebourg. Nous aurions d’ailleurs saisi le Conseil constitutionnel,…

M. Claude Goasguen. Vous savez bien que le Conseil constitutionnel se saisit d’office de la constitutionnalité des lois organiques !

M. Arnaud Montebourg. …s’il n’était prévu que les lois organiques doivent lui être soumises automatiquement avant promulgation.

J’attire l’attention du président de l’Assemblée et du président de la commission sur le fait que l’application rare, inédite, pour ne pas dire poussiéreuse de l’article 127 invoqué à l’appui de l’élimination du millier d’amendements, est fondée sur une interprétation unilatérale…

M. Manuel Valls. Fallacieuse !

M. Arnaud Montebourg. …du caractère organique ou non desdits amendements.

Or, nombre de ceux que vous avez éliminés – et je suis l’auteur de quelques-uns –, avaient déjà été défendus par l’opposition lors de la discussion sur la révision de la Constitution.

M. Manuel Valls. Voilà !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel aveu ! Vous n’avez donc fait que du « copié-collé » !

M. Arnaud Montebourg. Nous estimions qu’il s’agissait de dispositions constitutionnelles. Mais on nous avait expliqué qu’elles auraient leur place dans le cadre de l’examen de la loi organique.

M. Manuel Valls. Eh oui, monsieur Warsmann !

M. Arnaud Montebourg. Or, au moment où nous examinons le projet de loi organique, on nous répond encore par la négative, ces amendements n’ayant pas le caractère organique ! Et lorsque nous examinerons le règlement, on nous dira que nos amendements relèvent d’un décret du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Vous croyez-vous au théâtre, monsieur Montebourg ?

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, vous n’avez pas, juridiquement, la possibilité de juger du caractère organique de nos amendements de façon unilatérale et, si j’ose dire, usant d’une formule de violence (Protestations sur les bancs du groupe UMP), consistant à affirmer : « Taisez-vous, vos milliers d’amendements, nous n’en voulons pas ! » Cela pour une raison simple : certaines dispositions que nous proposons d’amender relèvent du droit organique. C’est notamment le cas de dispositions contenues dans des ordonnances organiques de 1959 et dont nous proposons la modification.

À l’instar de plusieurs membres de la commission des lois, je vous avertis, chers collègues, qu’il y a là un risque d’inconstitutionnalité de la procédure. Nous saisirons donc solennellement, et sans tarder, le président du Conseil constitutionnel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Goasguen. C’est inutile !

M. Arnaud Montebourg. …pour nous plaindre des conditions dans lesquelles vous avez décidé d’annuler une partie de nos amendements, en piétinant d’ailleurs un grand nombre de dispositions de notre pacte constitutionnel qui font consensus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en arrivons à la question préalable…

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Obstruction !

M. Manuel Valls. Écoutez donc M. Mallot !

M. le président. Monsieur Mallot, vous avez déjà fait plusieurs rappels au règlement au cours desquels vous avez répété les mêmes arguments.

Vous avez une dernière fois la parole. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Nous nous trouvons au cœur du débat.

M. Benoist Apparu. C’est n’importe quoi, c’est pitoyable !

M. Jean Mallot. D’ailleurs, les réactions de l’UMP le montrent. Quant au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, il se concentre et m’écoute car il a compris que le débat est en train de tourner.

Monsieur le président, cet après-midi, j’ai été très sensible au fait que vous ayez reconnu le sérieux de mon argumentation, formulée sur un ton constructif dont je n’entends d’ailleurs pas me départir tout au long de la discussion. J’observe que le président et rapporteur, M. Warsmann, a établi un parallèle entre l’irrecevabilité au titre de l’article 127, alinéa 3 du règlement et l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.

Une première observation saute aux yeux : l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution découle de la Constitution. Je me permets d’en rappeler la teneur : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »

Comme l’a très bien démontré notre collègue Dosière, on voit évidemment les critères sur lesquels peut s’appuyer le président de la commission des finances pour appliquer l’article 40. Or la contestation du parallèle avec l’irrecevabilité au titre de l’article 127 du règlement repose en premier lieu sur le fait qu’il s’agit d’un article du règlement et non pas de la Constitution. Par conséquent, ce premier parallèle s’écroule !

Mme Delphine Batho. Très juste !

M. Jean Mallot. En outre, l’appréciation de la recevabilité au titre de l’article 127, alinéa 3, du règlement a été établie, non par le président de la commission des lois, comme le voudrait le parallélisme invoqué, mais par le président de l’Assemblée, ce qui ne revient pas au même.

M. Alain Cacheux. Eh non !

M. Jean Mallot. Cette différence établie, je me tourne vers vous, monsieur le président de l’Assemblée. De même que le règlement prévoit des critères objectifs pour que le président de la commission des finances, Didier Migaud en l’occurrence, apprécie la recevabilité des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution, de même, il faudrait nous dire sur quels critères objectifs et jurisprudentiels vous vous êtes appuyé pour déclarer irrecevables certains amendements au titre de l’article 127, alinéa 3, du règlement.

Mme Delphine Batho. Excellent !

M. René Dosière. Je vois M. Goasguen qui approuve !

M. Jean Mallot. En attendant d’obtenir une réponse sur la nature des critères objectifs et jurisprudentiels sur lesquels vous vous êtes fondés et grâce à l’énumération desquels nous pourrions avancer, je vous propose, pour que le parallèle que le président Warsmann établit soit mieux étayé, que nous interrogions le président Migaud lui-même pour savoir sur quels critères il s’appuie, pour savoir quelle est sa façon de procéder puisque le président Warsmann s’abrite derrière l’exemple de la commission des finances. Que le président de la commission des finances établisse donc le parallèle avec la commission des lois afin que nous puissions y voir enfin clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Urvoas, voulez-vous venir à la tribune pour défendre la question préalable que j’ai déjà annoncée à plusieurs reprises ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Leroux, pour une minute.

M. Jean Mallot. De toute façon, vous allez dans le mur, chers collègues de la majorité !

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, votre interprétation de la Constitution fragilise l’assise juridique de notre débat.

M. Claude Goasguen. Cause toujours !

M. Bruno Le Roux. Il est nécessaire, au début de cette discussion, de créer une ambiance. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Les amendements que nous avons déposés, vous ne pouvez l’ignorer, sont le fruit d’une réflexion menée au sein de la commission Accoyer, dans le groupe de travail qui préconisait un statut de l’opposition que l’on nous promet depuis plusieurs mois sans qu’on ne voie jamais rien venir.

Les amendements que vous avez rejetés sont destinés, dans le droit fil des discussions que je viens d’évoquer, à installer une ambiance de travail devant nous permettre d’aboutir à un texte équilibré, faisant pièce à la disparition du droit d’amendement des parlementaires et créant un véritable statut de l’opposition. Tous les amendements que vous avez évacués de notre débat se réfèrent d’ailleurs à la seule partie du texte dont on peut penser qu’elle n’a pas à figurer dans le texte du Gouvernement car ne relevant pas d’une loi organique. Le parallélisme des formes exigerait donc que, si vous annulez nos amendements, le Gouvernement prenne l’engagement d’annuler les articles du projet qui n’ont rien à faire au sein de ce texte.

M. Jean Mallot. Voilà !

M. Bruno Le Roux. Enfin, il y a déjà quelques semaines, la majorité a essayé de passer en force le texte relatif à l’article 25 de la Constitution, portant notamment sur le redécoupage électoral. Or le Conseil constitutionnel a durement sanctionné la majorité (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR),…

Mme Delphine Batho. Très bien !

M. Bruno Le Roux. … remettant en cause la méthode choisie par le Gouvernement, et plus exactement le travail élaboré au ministère de l’intérieur.

M. Bernard Deflesselles. Arrêtez donc !

M. Bruno Le Roux. Nous nous en félicitons car nous avions reproché à plusieurs reprises au Gouvernement son interprétation partisane qui ne coïncidait pas avec notre lecture de la Constitution – reproche qu’a validé le Conseil constitutionnel.

Je vous mets donc en garde contre le passage en force, contre votre volonté de vouloir déjà limiter le débat au sein de notre assemblée par le biais d’une procédure inusitée, que vous choisissez d’appliquer au moment même où nous discutons des droits du Parlement. Vous ne pouvez pas, monsieur le président, en laissant faire cela, imaginer plus mauvaise base de discussion. C’est pourquoi nous demandons l’audition du président du Conseil constitutionnel afin qu’il nous apporte ses lumières et c’est pourquoi, en tout cas, nous demandons la réunion de la commission des lois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Le président du Conseil constitutionnel ne viendra pas ici, mais je vais donner la parole à M. le président et rapporteur de la commission des lois. Peut-être est-ce un bon présage pour son avenir. (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je tiens à dire, avec toute la conviction dont je suis capable, que la revalorisation du rôle du Parlement commence par le respect de la Constitution. À cet égard, nous sommes ici dans un exercice extrêmement balisé. Nous sommes réunis ce soir pour appliquer trois articles de la Constitution. Je tiens à les relire.

Article 34-1, premier alinéa : « Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. » Nous sommes ici pour adopter, dans une loi organique, les dispositions permettant le vote des résolutions.

Nous sommes également ici pour voter les dispositions précisant les conditions d’application de l’article 39, alinéa 3 : « La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. »

Enfin, nous sommes ici pour fixer les conditions d’application du premier alinéa de l’article 44 : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

Tout ce qui figure dans le projet de loi organique est bien exigé par la Constitution. Nous sommes ici parce que nous avons l’obligation constitutionnelle de mettre en œuvre la révision du 23 juillet dernier. Monsieur le président, je demande à nouveau que le débat s’engage et que nous reprenions la suite de l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Urvoas, si vous ne prenez pas la parole, je considérerai que la motion n’est pas défendue, et nous passerons à la discussion générale. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Refusez-vous de monter à la tribune, monsieur Urvoas ? Soit vous montez à la tribune, et la motion sera défendue, soit je considérerai que vous refusez de la défendre. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Arnaud Montebourg. Démission !

M. Philippe Martin. Accoyer, démission !

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Je rappelle que cela fait maintenant trois quarts d’heure que j’ai donné la parole à M. Urvoas. Or chacun aura remarqué qu’il la refuse.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, vous avez pris la responsabilité de nous mettre dans cette situation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez pris la décision de rendre irrecevables mille amendements déposés par le groupe socialiste, et ce au moment où nous examinons, justement, un projet de loi organique portant principalement sur la question du droit d’amendement. Nous le prenons comme un acte de défiance à notre égard.

M. Jean Mallot. C’est une provocation !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons demandé que cette question soit clarifiée. Nous avons demandé la réunion de la commission des lois. Cela nous est refusé. Et maintenant, vous iriez jusqu’à dire : « La motion est défendue », en empêchant Jean-Jacques Urvoas de prendre la parole à la tribune de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Mais il la lui donne, au contraire !

M. Jean-Marc Ayrault. Alors, trop c’est trop ! Je demande à nouveau une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. Je suspends la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons entendre encore deux ou trois orateurs pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous passerons ensuite à la question préalable.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour un rappel au règlement.

M. Manuel Valls. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement. Mais d’une certaine manière, messieurs les présidents, puisque je m’adresse aussi, évidemment, à notre honorable collègue Warsmann, le débat que nous sommes en train d’avoir, qui est à nos yeux fondamental, prépare le terrain à l’argumentation que va défendre dans un instant Jean-Jacques Urvoas, et il justifie d’autant plus la question préalable.

Je voulais réagir en faisant mienne la célèbre formule de L’Esprit des Lois de Montesquieu, selon laquelle, pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Et de manière très solennelle, au nom du groupe socialiste, je tiens à dire ici que vous abusez du pouvoir de trois façons.

La première, c’est en voulant restreindre le droit d’amendement : c’est le cœur du texte, et de son article 13.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Manuel Valls. La deuxième, monsieur Warsmann, c’est lorsque vous nous expliquez que vous allez vous-même empêcher la discussion d’un certain nombre d’amendements. Et comme l’a démontré il y a un instant Arnaud Montebourg, en faisant par ailleurs appel à un article qu’il qualifiait de « poussiéreux » – et j’ajoute « désuet et antidémocratique » –, vous commettez un abus de pouvoir. C’est grave, monsieur le président de la commission, et je pense que vous devriez revenir sur ce propos. C’est une provocation à l’égard de l’opposition que d’expliquer que des amendements qui ont toute leur place dans la discussion d’une loi organique ne pourraient pas être discutés demain. Je vous demande, monsieur le président de la commission des lois, que vous soyez au clair sur ce type de dispositif. Nous n’admettrons pas, que ce soit en séance publique ou en commission des lois, que l’on utilise ce type d’arguments, et qu’on menace l’opposition de ne pas discuter de ce type d’amendements, qui ont toute leur place, comme le démontrera dans un instant Jean-Jacques Urvoas, dans la discussion qui est la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Et puis, le troisième abus de pouvoir, monsieur le président, c’est la menace que vous avez faite de ne pas donner la parole à Jean-Jacques Urvoas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Il lui a demandé de la prendre, au contraire !

M. Manuel Valls. C’est inadmissible ! Ce n’est pas explicable, dans un débat qui porte précisément sur l’organisation des débats ici même, au sein du Parlement.

Voilà les trois raisons de ce rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

Je demande à chacun d’avoir un minimum de respect pour ses collègues et ceux qui ont quelques responsabilités dans cette assemblée.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, nous avons évoqué une argumentation juridique, en dehors du désaccord politique lourd et grave que nous entretenons dans la présente séance. Vous avez soulevé l’irrecevabilité d’un certain nombre d’amendements, dans des conditions qui ont été rappelées – je ne les qualifie plus.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le règlement !

M. Arnaud Montebourg. Ces amendements – je les ai sous les yeux – concernent notre droit, dans le cadre du statut de l’opposition que vous prétendez vouloir établir, à disposer de facultés plus larges que celles qui existent aujourd’hui, de réunir des commissions d’enquête parlementaires. Ce n’est pas mince ! Cela fait partie du débat constitutionnel. On nous avait renvoyés à l’époque au débat sur la loi organique : nous y sommes. Nous prétendons modifier des dispositions organiques, car c’est une ordonnance organique ayant valeur de loi, prise d’ailleurs par le Gouvernement Debré et le Général de Gaulle en 1959, qui organisait le droit des commissions d’enquête parlementaires.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact. Cette ordonnance n’a pas valeur organique !

M. Arnaud Montebourg. Une décision du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 nous permet de le dire aujourd’hui avec certitude.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est faux ! Vous dites des choses inexactes !

M. Arnaud Montebourg. Cela figurera au compte rendu de cette séance et servira à l’analyse des sages de la rue Montpensier, lorsqu’ils se pencheront sur cette petite sortie de route procédurale…

M. Christian Eckert. Un dérapage !

M. Arnaud Montebourg. …à laquelle vous venez de procéder, monsieur le président.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le respect de notre règlement !

M. Arnaud Montebourg. C’est la liberté et le droit pour l’Assemblée nationale de considérer, dans sa souveraineté, le caractère organique ou non du dispositif et l’impossible censure concernant le caractère organique ou non des amendements.

Cette décision – monsieur le président de la commission des lois, vous allez vous aussi faire travailler les services de l’Assemblée nationale – est du 15 mars 1999 et a trait à la Nouvelle-Calédonie.

Nous avons là une querelle procédurale d’importance qui a des conséquences politiques majeures, …

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le Conseil constitutionnel tranchera.

M. Arnaud Montebourg. … parce que nous sommes en train de débattre d’une loi organique et qu’on nous empêche de discuter d’un millier d’amendements. Nous avons besoin du vote conforme du Sénat pour obliger le Gouvernement à modifier des positions que nous jugeons politiquement inacceptables. Et on nous prive de cette possibilité !

Cette privation-là est anticonstitutionnelle. Je pense que vous pouvez d’ores et déjà prévoir une nouvelle discussion de la loi organique parce qu’il faudra revenir sur ce texte après l’annulation par le Conseil constitutionnel de ce que vous êtes en train de faire passer au forceps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Montebourg, le président Warsmann vous répondra après l’intervention de M. Malot. Votre ton accusateur mettant en cause la présidence, et par là même les services, méritera une mise au point. Vos arguments étaient inexacts.

Plusieurs députés du groupe UMP. Fallacieux !

M. Christian Jacob. Le mensonge est dans sa nature !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole. Au risque de manier le paradoxe, ces rappels au règlement nous ont permis de beaucoup progresser dans la définition de la vraie nature de votre démarche.

Nous avons, grâce à votre accord, obtenu une suspension de séance pour réunir notre groupe et nous avons longuement débattu. Nous sommes arrivés à la conclusion que, sous couvert de prétendre revaloriser le rôle du Parlement et d’accroître les pouvoirs de l’opposition, en réalité, pied à pied, millimètre par millimètre, vous n’avez qu’un objectif : augmenter les pouvoirs de la majorité.

Nous aurons l’occasion de voir, notamment sur les dispositions relatives aux résolutions, que le texte attribue en quelque sorte un droit de veto au Premier ministre sur les projets de résolution. Nous avons compris qu’en contrepartie d’une limitation de façade du recours au 49-3, qui n’est, dans la pratique, jamais utilisé qu’une fois par session, vous allez porter atteinte au droit d’amendement.

En réalité, vous souhaitez instaurer une sorte de 49-3 permanent. Et vous utilisez, dès ce soir, pour porter atteinte à nos capacités d’amendement, des procédures dont nous avons abondamment démontré – et le Conseil constitutionnel en fera son miel – qu’elles ne tiennent pas.

Vous avez notamment invoqué l’article 127, alinéa 3, de notre règlement. Or nous avons fait la démonstration qu’il ne s’appliquait pas, sauf à considérer que l’ensemble du projet de loi, en tout cas une bonne partie de celui-ci, notamment celle qui prévoit que les amendements doivent être déposés par écrit, etc., ne relève pas d’une loi organique. Par conséquent, l’argument ne tient pas.

Le parallèle établi par le président Warsmann entre la procédure d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution et celle que vous avez tenté d’utiliser ce soir pour balayer un millier de nos amendements ne tient pas non plus.

Monsieur le président, nous vous avons demandé de citer d’autres cas dans l’histoire parlementaire où des milliers d’amendements auraient été écartés au titre de l’article 127, alinéa 3, de notre règlement. Vous n’avez pas été en mesure de le faire.

Nous vous avons demandé quels étaient les critères objectifs, jurisprudentiels notamment, sur lesquels vous vous étiez appuyé pour appliquer de façon drastique – industrielle dirai-je – cet article 127, alinéa 3. Vous n’avez pas été en mesure de nous en présenter, pas plus que le Gouvernement, pas plus que le président de la commission des lois.

Par conséquent, nous constatons que nos arguments étaient fondés, que vous n’avez répondu à aucune de nos questions. Dès lors, nous sommes encore plus fondés à vous demander de revenir sur votre décision et de remettre en discussion, en séance publique, les amendements que vous prétendez écarter et qui ont été présentés, discutés et mis aux voix en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Répéter dix fois une chose inexacte ne la rend pas pour autant exacte.

J’ai lu tout à l’heure les différents alinéas de la Constitution qui rendaient obligatoire l’intervention d’une loi organique. Oui, il faut une loi organique. Oui, ce qui est contenu dans le projet de loi organique du Gouvernement relève bien d’une loi organique, et non du règlement. Nous avons des opinions différentes, mais le Conseil constitutionnel sera saisi et tranchera.

Par ailleurs, des propos inexacts – et parfois même plus qu’inexacts – ont été tenus sur le fonctionnement des Assemblées. L’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires prévoit dans son article 6 les modalités de fonctionnement des commissions d’enquête. Or cette ordonnance, mes chers collègues, n’a jamais eu le caractère de loi organique.

L’argumentation que nous développons est donc tout à fait justifiée. Et je demande une fois de plus de passer à la suite de l’ordre du jour.

M. le président. J’ai exercé mes responsabilités en conscience. Le Conseil constitutionnel appréciera, puisque, de toute façon, s’agissant d’une loi organique, il est automatiquement saisi.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je vous remercie des conditions dans lesquelles je vais avoir l’honneur de défendre, au nom du groupe SRC, cette question préalable. Je ne pensais pas que mes propos mériteraient un tel prologue.

M. Benoist Apparu. On est bien d’accord !

M. Jean-Jacques Urvoas. Pourtant, ils sont au cœur de ce que je vais tenter de démontrer. Je ne doute pas que le Conseil constitutionnel, quand il sera saisi, aura à revisiter sa propre jurisprudence, puisqu’une décision du 15 mars 1999 précisait de la manière la plus explicite que, quand une loi organique contient un dispositif qui n’est pas d’ordre organique, le Conseil constitutionnel déclasse la disposition, mais ne censure pas la loi qui vient d’être votée. Inévitablement, ce que nous venons de dire sera au cœur de la décision du Conseil constitutionnel. 

Je voudrais essayer de vous convaincre, mes chers collègues, que notre assemblée n’a pas à délibérer de ce projet de loi que nous propose aujourd’hui le Gouvernement. Ma conviction repose, non pas sur le cœur de notre sujet, mais sur une conception, que je sais partagée, sur tous les bancs, du rôle de l’Assemblée nationale. Nous souhaitons tous, ici, que notre Parlement ne soit pas le plus effacé d’Europe. Tous ici, nous souhaitons qu’il redevienne influent, qu’il puisse remplir de la meilleure façon possible ses missions naturelles que sont le contrôle du Gouvernement, l’amélioration de la loi et l’organisation du débat public. Nous savons tous que cela passe par des réformes.

M. Benoist Apparu. Merci la réforme constitutionnelle !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous savons tous que cela passe par des réformes, de nouveaux pouvoirs pour l’Assemblée nationale, en lui imposant – nous en sommes tous d’accord – de nouvelles contraintes.

Vous pensez, chers collègues de la majorité, avoir fait l’essentiel par la révision constitutionnelle de juillet dernier. Vous êtes persuadés, et vous nous l’avez dit ce soir encore, que les modifications apportées sont de nature à revaloriser notre rôle, à accroître nos pouvoirs, à renforcer nos prérogatives. Cette révision que vous avez votée porterait la promesse d’un Parlement réhabilité, d’institutions rééquilibrées. En un mot la Ve République version 2008 répondrait donc au triptyque idéal, que dessinait le rapport Vedel remis à François Mitterrand en 1993 : un exécutif mieux défini, un Parlement plus actif, un citoyen plus présent.

Cette lecture, qui est celle de la majorité, est évidemment tout à fait respectable, d’autant qu’elle veut servir les objectifs qui nous sont communs. Pour autant, vous le savez, nous n’avons pas la même lecture de la révision constitutionnelle de juillet. Nous pensons que, loin d’en être le bénéficiaire, le Parlement est – pardonnez cette expression triviale – le dindon de l’été 2008, …

M. Jean-Claude Sandrier. Absolument !

M. Jean-Jacques Urvoas. …que ses pouvoirs nouveaux ne sont que des leurres, que ses libertés supplémentaires ne sont en réalité que des alibis.

Nous estimons que, loin d’avoir été rognés, les pouvoirs du Président de la République, puisque, en réalité, l’exécutif se résume dorénavant à sa seule personne, sont confortés, voire étendus. À nos yeux, aucun changement apporté ne permettra que les pouvoirs du Président de la République, déjà fort nombreux et variés, soient plus encadrés.

Les droits supplémentaires accordés aux citoyens restent, à ce stade, malheureusement virtuels aujourd’hui. Bref, mes chers collègues, nos lectures de la révision constitutionnelle sont antagonistes, ce qui est d’ailleurs regrettable puisque la Constitution n’est pas une loi comme les autres. Elle n’appartient ni à la droite ni à la gauche. Elle est notre loi fondamentale. Elle régit, au-delà des partis et des alternances, le fonctionnement de notre République. Ses révisions devraient donc être le résultat ou l’instrument d’une affaire qui ne peut pas être partisane. Mais les faits sont là. Et comme le disait un auteur connu : ils sont têtus. Ils devraient nous conduire, au nom du respect de nos convictions, de nos certitudes respective, à nous rejoindre pour adopter cette question préalable.

Voter cette motion ne serait pas un succès pour l’opposition, mais ferait du Parlement et de son renouveau le seul vainqueur de notre séance de ce soir. Car de quoi discutons-nous ?

M. Yves Bur. Quel donneur de leçons !

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce projet de loi comporte quatre grands thèmes : la concrétisation du droit de résolution, la formalisation des études d’impact, l’inscription dans la loi organique d’un mécanisme qui existe déjà dans le règlement de notre assemblée – la procédure d’examen simplifiée – et, enfin, la création juridique, qui focalise toutes les attentions, d'un dispositif que notre président a appelé, de façon relativement œcuménique « la programmation de nos travaux ». La commission des lois y a travaillé comme c'est sa mission. Elle l'a fait, selon son habitude, sans fracas, ni tumulte, avec le souci partagé de rechercher les améliorations nécessaires. C’est dans cet esprit, que nous avons, mercredi dernier, déposé soixante-huit amendements pour essayer de dissiper des malentendus, tenter de corriger des maladresses d’écriture ou de proposer la suppression de dispositifs qui nous semblaient néfastes.

Sur les quatre points que je viens d'évoquer, deux ne constituent plus – si les amendements proposés par le rapporteur sont conformes à ce qui a été annoncé – des désaccords entre la majorité et notre groupe.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Merci de le reconnaître.

M. Jean-Jacques Urvoas. Restent en débat les modalités d'exercice du droit de résolution et, évidemment, le « temps global » que nous préférons appeler le « temps guillotine ». Loin d’être des points de détails, l'un comme l'autre traduisent des lectures rivales des rapports entre l'exécutif et le législatif et méritent un débat approfondi. Nous le souhaitons et nous y sommes prêts, mais pas dans le cadre d’un projet de loi organique. Non par esprit de système, juste pour le plaisir de vous contredire, mais parce que les deux points qui restent en débat ne relèvent pas de la loi organique, d’où notre question préalable. Cette conviction est fondée sur les trente lois organiques qui ont été adoptées par notre assemblée depuis 1958 et qui ont donné lieu à 108 décisions du Conseil constitutionnel. Selon nous, ces deux points relèvent de la rédaction du règlement de l’Assemblée nationale.

M. René Dosière. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Urvoas. Vouloir faire figurer ces deux points dans une loi organique est au mieux une maladresse, au pire une faute politique.

Maladresse sur la méthode. Il est pour le moins paradoxal que la loi organique prévue par les articles 34-1 et 44 fasse l'objet d'un projet et non d'une proposition de loi. Si le but de la révision du 23 juillet 2008 était, comme vous le prétendez, de renforcer les pouvoirs du Parlement, le Gouvernement aurait été bien inspiré de susciter une initiative parlementaire, émanant de sa majorité.

Lors de votre audition devant notre commission le 6 janvier dernier, vous aviez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que des dispositions organiques étaient nécessaires pour la mise en œuvre de la révision constitutionnelle par le règlement. Le lien direct entre ces dispositions et le Règlement confirme la vocation de ses destinataires à l'élaborer. La jurisprudence sur ce point est constante depuis 1958.

J'ai d'ailleurs noté avec intérêt la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier – Bruno Le Roux l’a rappelée – qui montre combien il est attentif aux débordements des champs de compétences auxquels vous portez atteinte, même s’il n’a pas censuré ce point.

Maladresse sur le calendrier. Puisque la Constitution impose désormais de reconnaître des droits spécifiques à l'opposition et aux groupes minoritaires ainsi qu’aux citoyens par le biais du référendum d'initiative populaire – progrès s’il en est –, il aurait été plus judicieux de commencer par là. Pourquoi avoir choisi de débuter par des thèmes qui profitent plus à l'exécutif qu’au Parlement ?

Faute politique enfin. Il y a juste cinquante ans, le 8 janvier 1959, le général de Gaulle, accueilli par René Coty, s'installait à l'Élysée. Il venait de déclarer avec la grandiloquence qui fut sa marque que la Ve République réussirait la synthèse des principes contradictoires que recherchait la République depuis 1792…

M. Henri Plagnol. C’est vrai.

M. Jean-Jacques Urvoas. …et qu'avec les nouvelles institutions, l'équilibre entre les pouvoirs exécutifs et législatifs serait atteint. Cinquante ans plus tard, nous sommes au regret de constater que la prophétie ne s'est pas accomplie. La Ve République n'est toujours pas le régime d'équilibre « attendu » et qu’elle reste celui de l'hégémonie présidentielle.

M. Jérôme Lambert. Le coup d’État permanent !

M. Jean-Jacques Urvoas. Une hégémonie qui est le résultat non seulement du texte initial mais aussi des usages qui en ont été faits.

Une hégémonie qui fait que notre Président de la République est doté des pouvoirs dont dispose le Président des États-Unis auxquels il faut ajouter, pour faire bonne mesure, ceux du Premier ministre britannique.

Une hégémonie que vient souligner encore cette volonté, à travers ce texte, de considérer le Parlement comme une institution mineure.

Cinquante ans après, l'exécutif continue à dénier aux assemblées le droit d'être le centre de la vie politique. Il refuse en permanence de desserrer le double étau des contraintes juridiques et des limites politiques qui corsètent l’Assemblée nationale et le Sénat.

Les mécanismes dont nous parlons – propositions de résolution, temps « guillotine » – relevant du Parlement, décidons donc ensemble, chers collègues, des modalités de ce texte dans le cadre de notre règlement. En effet, le recours à la loi organique ne s'impose pas en ce concerne les propositions de résolution.

En quoi, chers collègues, les articles 3, 4 et 5 de ce projet de loi organique sont-ils utiles ? Le nouvel article 34-1 de la Constitution, qui énonce les cas d'irrecevabilité, se suffit à lui-même. Si on veut le compléter par une loi organique, c'est alors reconnaître qu’il en dit trop ou pas assez.

Trop, car l'article 34-1 ne dit pas « Le gouvernement déclare les propositions de résolution irrecevables ». Il dit « Sont irrecevables... les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité …». Autrement dit, si le Gouvernement a le droit d'opposer l'irrecevabilité, c'est au président de chaque assemblée qu’il revient de la déclarer.

Puis-je, à cet égard, rappeler le parallèle avec le précédent oublié du 19 septembre 1961 ? Depuis le 25 avril 1961, la France vivait sous le régime de l'article 16 appliqué à l'initiative du Général de Gaulle. Lassée par sa durée, l'opposition socialiste déposa une motion de censure le 12 septembre 1961. Saisi par Jacques Chaban-Delmas, alors président de l'Assemblée national, le Conseil constitutionnel se déclara incompétent pour juger de la recevabilité de cette démarche. C’est le président de l’Assemblée nationale qui prit donc la responsabilité de déclarer l’irrecevabilité de la motion de censure socialiste.

Eu égard au sujet – une motion de censure, acte important du droit parlementaire – comme au contexte – application de l’article 16 pendant la guerre d'Algérie –, la manifestation d'autorité du président de l'Assemblée nationale de l’époque, dans le respect de la Constitution, pourrait servir d’exemple et nous pourrions admettre que l’actuel président de l’Assemblée nationale pourrait agir de même s’agissant d’une proposition de résolution, dont je rappelle qu’elle ne remettra jamais en cause la responsabilité du Gouvernement.

Rappelons aussi que le Gouvernement n'a nul besoin d'intervenir lui-même pour que le monopole d'initiative dépensière que lui accorde l'article 40 soit protégé. Les instances parlementaires s'en acquittent fort bien toutes seules, démontrant ainsi leur capacité d'autodiscipline, sans qu'il soit besoin de désigner un surveillant général issu de l'exécutif.

Le texte en dit trop ou trop peu. En effet, la Constitution fait systématiquement et soigneusement la distinction entre les compétences du Gouvernement – articles 31, 38, 41, 44, alinéa 3 –, et celles qui appartiennent en propre au Premier ministre – articles 39, 45, alinéa 2, 49, alinéas 1 et 3. De ce fait, confier au Premier ministre, comme le propose l'article 3 du projet de loi organique, un pouvoir que la Constitution reconnaît au Gouvernement serait contraire à la Constitution !

En conséquence, si le projet de loi organique tient à ce que la décision soit gouvernementale, alors il lui faut prévoir qu'elle soit prise en conseil des ministres. Ce qui serait d'ailleurs parfaitement justifié pour ce qui concerne ce que vous appelez, monsieur le secrétaire d’État, un « nouveau pouvoir d'expression parlementaire ».

Puisqu'il faut un décret pris en conseil des ministres pour dissoudre une minuscule association illégale, il n'est pas malséant d'exiger une décision de la même instance pour interdire un débat au Parlement ! Le parallélisme des formes s’impose !

Le projet de loi organique comporte lacunes et maladresses, pour certaines, inconstitutionnelles. Quant au droit de résolution, il est parfaitement superfétatoire.

Superfétatoire, il l'est tout autant concernant votre idée du « temps global » selon les termes aseptisés que vous avez choisis. S'il n'y a pas lieu d'en discuter, c'est tout simplement parce qu'une telle organisation existait dans le règlement de l'Assemblée nationale jusqu'en 1969. À quoi bon répéter ce qui va de soi ?

Cette inscription est d'autant plus inutile que même si le projet de loi organique est voté, c’est au règlement de l’Assemblée nationale qu’il revient de créer ce dispositif. Nombre de constitutionnalistes ont été invoqués ce soir. Permettez-moi d’en citer un autre et non des moindres, pour tout dire la référence en matière de droit parlementaire, le professeur Pierre Avril.

Pierre Avril écrivait en 1967 : « Dans notre droit parlementaire, le règlement de l’Assemblée joue le rôle de décret d’application de la Constitution. » Il n’évoque aucune loi organique entre la Constitution et le règlement lorsqu’il s’agit d’appliquer la première.

Épargnons-nous donc cette loi organique, d’autant, vous l’avez rappelé, que le règlement est soumis à la décision du Conseil constitutionnel, qui en a été saisi soixante fois depuis 1958. Il s’agit là encore d’une innovation de la Ve République, que l’on doit à Michel Debré : l’article 61 de notre Constitution dispose que le règlement adopté par chacune de nos assemblées doit être soumis au Conseil constitutionnel.

Ainsi la Ve République devenait-elle le troisième régime subordonnant le fonctionnement des chambres à un autre pouvoir, après – pardonnez-moi – le Directoire, sous lequel la loi déterminait les conditions d’organisation du Corps législatif, puis le Second Empire, où l’empereur Napoléon III…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !

M. Jean-Jacques Urvoas. …avait mis à profit un vide de la Constitution pour élaborer lui-même les règles de fonctionnement interne du Sénat et du Corps législatif.

M. René Dosière. Funeste référence !

M. Jean-Jacques Urvoas. En 1958, Michel Debré justifia l’introduction de l’article 61 par son caractère « indispensable », voire « capital », pour mettre fin au régime d’assemblée. Mes chers collègues, si les fondateurs de la Ve République avaient voulu que les règlements soient sous l’empire d’une loi organique, ils l’auraient dit !

À ce propos, je vous invite à relire notre collègue Michel Habib-Deloncle, député gaulliste, rapporteur de la commission spéciale présidée par Marc Lauriol et chargée, en 1959, de rédiger notre règlement. On peut supposer que l’auteur de notre règlement est fondé à en analyser les possibilités d’évolution. Or, dans sa contribution sur « L’élaboration du règlement de l’Assemblée nationale et son application » prononcée lors d’un colloque en l’honneur de Michel Debré organisé au Sénat pour l’anniversaire de la Ve République, en 1998, M. Habib-Deloncle n’évoque nullement la nécessité d’une loi organique pour résoudre des problèmes qui peuvent être traités par le seul règlement de l’Assemblée ou par celui du Sénat. Mes chers collègues, un projet de loi organique n’a pas vocation à empiéter sur les dispositions du règlement.

Certes, vous nous l’avez dit et le rapporteur comme le secrétaire d’État l’ont répété : l’article 44 invoque le cadre d’une loi organique.

M. Benoist Apparu. Eh oui ! Nous n’avons pas le choix !

M. Jean-Jacques Urvoas. Mais cela ne vaut que si ce cadre est nécessaire, voire indispensable, ce qui n’est en l’occurrence pas le cas.

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. Profitons au contraire de l’occasion pour restreindre l’exercice discrétionnaire du droit d’amendement par le Gouvernement. Après bien des errements, la jurisprudence dite de l’« entonnoir » du Conseil constitutionnel a fini par le limiter ; mais ce n’est qu’une jurisprudence. Pourquoi ne pas la consacrer et, le cas échéant, la préciser, par un amendement à ce projet de loi organique ?

Ainsi, et étant donné le nouvel article 42, en première lecture, le Gouvernement – pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État – ne pourrait plus présenter de mesures nouvelles, mais seulement proposer d’amender le texte de la commission pour revenir au projet ou pour modifier ce texte compte tenu de la discussion. Vous devriez en être d’accord, puisque vous souhaitez revaloriser le rôle du Parlement et singulièrement, en son sein, celui des commissions. Cette disposition trouverait pleinement sa place dans une loi organique et nous épargnerait bien des articles additionnels.

Laissons donc le « temps guillotine » à une discussion concertée entre parlementaires, loin de la présence, de l’instigation ou de la férule de l’exécutif. En matière de droit parlementaire, la prochaine étape sera-t-elle, dans quelques semaines, le dépôt par le Gouvernement d’un projet de résolution visant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale ? Cela serait évidemment stupide.

En votant cette question préalable, nous ne reviendrions pas à la « République des députés » que nous avons connue, mais nous offririons une formidable manifestation du renouveau de l’Assemblée nationale. Dans le cas contraire, mes chers collègues, nous n’aurons d’autre voie que le vacarme de l’obstruction parlementaire. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls. Il a raison, et cela vous fait mal !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous serions alors à nouveau contraints de démontrer que l’obstruction est toujours le fait du Gouvernement. Si, quant au fond, j’en défens le principe, car il s’agit d’un droit des parlementaires, je concède aisément qu’elle ne constitue pas un bon instrument pour légiférer. Du reste, jamais les procédures d’obstruction parlementaire n’ont empêché l’adoption d’un texte.

Il appartient donc au Gouvernement de créer les conditions permettant de bien légiférer. La première de ces conditions, c’est le temps. C’est presque une tautologie : les lois gagnent à avoir été pensées. Permettez-moi de vous citer le rapport publié en 2006 par Mme Josseline de Clausade, conseillère d’État, alors rapporteur général de la section du rapport et des études du Conseil d’État : « Il n’est pas possible de faire une bonne loi en quinze jours, c’est-à-dire dans l’urgence. Une bonne loi demande du temps. L’urgence oblige à revenir constamment sur les textes pour en corriger les imperfections, les oublis ou les incohérences. »

Mme Delphine Batho. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. « Il ne faut alors pas s’étonner de l’instabilité des règles. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous devons donc nous garder de légiférer sous le coup de l’émotion. Or, en l’espèce, on pourrait avoir l’impression que ce projet de loi organique n’est qu’une réaction conditionnée au récent débat sur l’audiovisuel public.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Jean-Jacques Urvoas. N’abusons pas de l’urgence, mal dont semble atteint le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, de manière d’autant plus étonnante que vous n’avez aucune raison d’être obsédé par la précarité, puisque vous disposez de la majorité et de la durée. À moins que vous ne considériez que le temps parlementaire n’est plus le moment du dialogue, qu’il est devenu une perte sèche qui retarde désagréablement le moment de la promulgation et qu’il faut réduire au minimum.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Urvoas. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Urvoas. Il me semble, monsieur le président, que j’ai parlé vingt-huit minutes et quarante-huit secondes. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous informe avant que votre temps de parole ne soit écoulé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Delphine Batho. Quelle sollicitude !

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie de votre prévenance, monsieur le président.

La deuxième condition consiste à écouter le Parlement. Quand on lui donne du temps, il travaille bien : voyez la LOLF ou la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, adoptée à l’unanimité par notre assemblée.

La troisième condition, c’est la simplicité. Vous nous dites que, depuis quelques années, les amendements se multiplient par milliers, et vous avez raison. Mais pourquoi ne citez-vous jamais le volume et le poids du recueil des lois que notre assemblée publie chaque année, et qui est passé de 620 pages en 1970 à 2 400 l’an dernier ?

Mme Delphine Batho. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas. Quant au Journal officiel, il est passé de 7 000 pages en 1976 à 22 000 aujourd’hui.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et voilà !

M. Jean-Jacques Urvoas. L’augmentation du nombre d’amendements résulte aussi de celle du nombre de lois que vous nous proposez. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. Claude Goasguen. C’est le contraire !

M. Jean-Jacques Urvoas. Enfin, il faut respecter l’opposition. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, vous qui affirmez vouloir garantir ses droits, vous n’aurez pas de mal à le faire, tant ils sont réduits. La majorité dispose en revanche de bien des moyens : elle peut empêcher le vote des lois auxquelles nous nous opposons – par l’article 49-3 – ou recourir au vote bloqué ; en outre, vingt et un articles de notre règlement permettent au président de séance de couper la parole à l’orateur s’il le souhaite.

En conclusion, j’en viendrai à l’essentiel, c’est-à-dire aux raisons qui justifient cette question préalable. Dans la tradition constitutionnelle française, « légiférer » est synonyme de « délibérer ». Utilisé dès les premières constitutions révolutionnaires, ce verbe est employé à dix reprises dans celle de la Ve République. Oui, mes chers collègues : un Parlement délibère, parle, discute, se confronte ! Délibérer, c’est dialoguer, c’est accepter que l’autre puisse avoir raison. C’est, en l’espèce, reconnaître que les dispositions que vous nous proposez n’ont rien à faire dans un projet de loi organique ; c’est donc refuser de renoncer à une dimension de notre vocation. Rappelez-vous, chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, que ceux qui prétendent mettre des chaînes aux autres devront un jour les porter ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’ai écouté avec beaucoup d’attention notre collègue Jean-Jacques Urvoas, mais je dois lui redire que les lois organiques n’interviennent dans notre droit que lorsqu’elles sont prévues par la Constitution. Or, dans les trois articles qui nous intéressent, la Constitution prévoit bien l’intervention de lois organiques. (Les applaudissements sur les bancs du groupe SRC couvrent la voix de l’orateur.)

Si l’on peut tout à fait soutenir que le règlement de l’Assemblée sert en quelque sorte de décret d’application à la Constitution, nous devons bien voter une loi organique lorsque la Constitution le prévoit. (Même mouvement. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Veuillez écouter M. Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Enfin, en réponse au deuxième argument de M. Urvoas, l’article 34-1 de la Constitution vise effectivement le Gouvernement, mais il ne s’agit en aucun cas d’une décision en conseil des ministres ; il me semble parfaitement logique qu’elle relève du Premier ministre. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement M. Urvoas.)

M. le président. Merci pour M. Urvoas. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se rasseyent.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Voilà pourquoi, après avoir attentivement écouté chacun des arguments de l’orateur sans jamais l’interrompre ni manifester la moindre réaction, je ne suis toujours pas convaincu ; j’appelle donc l’Assemblée à rejeter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Urvoas, les articles 34-1 et 44 de la Constitution imposent une loi organique. Quant à l’article 39, il donne concurremment le droit d’initiative parlementaire au Premier ministre et aux membres du Parlement. Le Gouvernement n’avait aucune raison de ne pas prendre cette initiative dès lors que les dispositions du projet de loi organique le concernent bien souvent.

Le président de l’Assemblée pourrait peut-être juger de l’irrecevabilité d’une proposition de résolution, mais le fait est que l’article 34-1 confie ce soin au Gouvernement, c’est-à-dire au Premier ministre.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas la même chose !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Si, dans la Constitution, le Gouvernement est toujours cité lorsqu’il s’agit des relations avec le Parlement, c’est le Premier ministre qui exerce ces prérogatives au nom du Gouvernement. La loi organique ne fait qu’expliciter ce fait constant. Lorsque l’intervention du conseil des ministres s’impose, la Constitution l’écrit, comme dans les articles 36 et 39.

Quant à l’idée selon laquelle la loi organique ne serait pas nécessaire, vous pouvez bien citer, monsieur Urvoas, tous les auteurs qu’il vous plaira ; la Constitution a été révisée le 21 juillet 2008 et exige désormais des lois organiques pour les articles 34-1, 39 et 44.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Inutilement !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. En tout cas, c’est dans le texte !

L’article 44 dispose que le droit d’amendement s’exerce selon les conditions fixées par les règlements dans le cadre déterminé par une loi organique. La première conséquence de cette nouvelle rédaction de l’article est la suivante : il faut évidemment une loi organique en sus des règlements. On ne peut faire autrement.


Ensuite, le cadre défini par cette loi organique pouvait être plus ou moins contraignant, plus ou moins rigide. Le Gouvernement a fait un choix qui n’est pas celui de la contrainte. Il a introduit dans la loi organique des dispositions qu’il souhaitait voir appliquer dans les deux assemblées.

Ainsi l’article 11 dispose que les amendements des membres du Parlement cessent d’être recevables après le début de l’examen du texte, mais que des délais peuvent être introduits par les règlements des assemblées. Tel est également le cas de la règle selon laquelle le Gouvernement peut être présent à sa demande en commission.

Aujourd’hui, les règles ne sont pas identiques à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Le Gouvernement a aussi introduit dans la loi organique des dispositions structurantes, substantielles, conséquences directes de la révision constitutionnelle : la procédure simplifiée et le temps programmé.

Chaque fois, le Gouvernement rend possible ces procédures sans contraindre les règlements à les adopter. Il nous propose donc un cadre organique qui autorise sans contraindre. Il paraissait difficile de faire moins dans cette loi organique que le constituant a voulue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, au titre de l’article 61, alinéa 2 de notre règlement, je vous prie de bien vouloir vérifier le quorum avant de procéder au scrutin sur la question préalable.

M. le président. Nous allons d’abord écouter les explications de vote sur la question préalable, après quoi nous procéderons à la vérification du quorum. S’il n’est pas atteint, nous suspendrons la séance, comme le prévoit le règlement, avant de voter, après la suspension.

La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe UMP.

M. Benoist Apparu. J’avoue être fort surpris par les arguments juridiques qu’a développés Jean-Jacques Urvoas. Il nous a expliqué en gros que, sur deux des mesures principales, que la loi organique n’était pas nécessaire et qu’une modification du règlement de l’Assemblée nationale suffirait à mettre en œuvre la réforme de la Constitution.

Si nous vous suivions, monsieur Urvoas, lorsque vous déféreriez le règlement de notre Assemblée devant le Conseil constitutionnel, ce dernier censurerait les dispositifs adoptés car ils ne seraient pas adossés à une loi organique, ce qu’exige la Constitution.

Mme Delphine Batho. Il n’y a pas besoin de le déférer, c’est automatique !

M. Benoist Apparu. Votre raisonnement juridique ne tient donc pas.

Mme Delphine Batho. Le vôtre encore moins !

M. Benoist Apparu. J’ai également été surpris par deux autres points de votre intervention. D’abord vous êtes revenu sur la réforme constitutionnelle en nous expliquant qu’elle ne contenait pas de droits nouveaux pour le Parlement. Outre le fait que je ne partage évidemment pas votre analyse – et je ne répéterai pas ici les vingt droits nouveaux introduits dans la Constitution –, je suis fort surpris que l’un des signataires de la fameuse tribune du Monde se contredise à ce point. Donc, de grâce, monsieur Urvoas, laissons de côté les doubles discours ! Vous ne pouvez pas nous dire aujourd’hui que la réforme constitutionnelle n’apporte aucun droit nouveau au Parlement, alors que vous affirmiez l’inverse dans Le Monde il y a quelques semaines.

M. Christian Eckert. C’est faible !

M. Benoist Apparu. Ensuite vous avez excellemment défendu le pouvoir d’appréciation du président de l'Assemblée nationale, en nous indiquant qu’en 1961, à l’occasion d’une motion de censure, mais aussi tout au long de la Ve République, le président de l’Assemblée Nationale avait su faire bon usage de ce pouvoir en utilisant l’article 40 de la Constitution. Pourquoi dans ce cas avoir refusé ce pouvoir d’appréciation sur l’application de l’article 127 de notre règlement intérieur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe SRC.

M. Jean Mallot. Je me tourne avec solennité vers vous, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de l’UMP et du Nouveau Centre. Vous avez, avec le vote de cette question préalable, une occasion élégante, cohérente et argumentée d’éviter de rester dans l’histoire comme les fossoyeurs du Parlement, de ce qui fait la quintessence de notre démocratie représentative. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Jean-Jacques Urvoas vient d’en faire très brillamment la démonstration : il n’y a pas lieu de délibérer sur ce projet de loi organique.

Le Gouvernement prétend vouloir revaloriser le rôle du Parlement. Nous le remercions de son intention, mais nous ne sommes pas dupes de cet affichage. En réalité la suite qu’il donne à la funeste révision constitutionnelle du mois de juillet dernier montre qu’il veut d’abord et surtout accroître les pouvoirs de l’exécutif. Les illustrations en sont nombreuses.

Nous demandons donc au Gouvernement qu’il veuille bien s’occuper de ses affaires et qu’il laisse le Parlement organiser son travail : chaque chambre a pour cela un règlement. J’observe d’ailleurs un fait qui n’a pas été soulevé jusqu’à présent mais sur lequel nous reviendrons : recourir à une loi organique, c'est-à-dire à un texte devant être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, donne de fait droit de regard au Sénat sur le règlement de l’Assemblée nationale, ce qui est assez nouveau.

La droite prétend vouloir maîtriser l’inflation législative et améliorer les délais d’examen des textes. C’est une autocritique ! Qu’est-ce qui oblige en effet le Gouvernement à multiplier les projets de loi de pur affichage, dont il ne publie même pas les décrets d’application ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Qu’est-ce qui oblige le Gouvernement à déclarer l’urgence sur quasiment tous les projets de loi ? Qu’est ce qui l’oblige enfin à présenter des textes mal écrits, imprécis, celui notamment dont nous débattons ?

Prenez l’article 4 : qu’est-ce qu’une résolution ayant le même objet que la précédente ? Et à l’article 7 qu’est-ce que l’ampleur d’une réforme ? La mesure-t-on avec un double décimètre, une balance ?

M. Jérôme Lambert. Avec un pifomètre !

M. Jean Mallot. À propos de la prétendue obstruction, je prendrai deux exemples.

Le premier concerne la proposition de loi portant dérogation au repos dominical pour laquelle M. Copé, président du groupe majoritaire, est venu ici un soir, à la même heure qu’aujourd’hui, implorer, demander grâce, au bout de deux heures seulement de discussion, avant même qu’un seul orateur de l’opposition ait pu s’exprimer et avant même qu’un seul article ait pu être discuté. En réalité, les députés de l’UMP étaient minoritaires, mais il n’y a eu aucune obstruction !

Second exemple : le débat sur le CPE. Ce contrat première embauche a été imposé à la majorité de droite par le recours au 49-3. M. Sarkozy – on en a eu la révélation très récemment – y était d’ailleurs opposé et il a manœuvré pour le faire échouer. Si ce texte a été retiré à l’époque, c’est sous la pression de l’opinion publique, sensibilisée par le débat parlementaire, et nullement du fait de l’obstruction.

Je veux pour conclure souligner que, par vos propos et par ce texte, chers collègues de droite, vous caricaturez le travail parlementaire et en donnez volontairement une mauvaise image. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Monsieur est un comique !

M. Jean Mallot. En le dénigrant ainsi, vous donnez des arguments faciles et factices à l’antiparlementarisme. Vous en porterez la responsabilité ! Ressaisissez-vous, je vous le demande, et votez avec nous cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Mme Martine Billard. J’ai écouté avec attention les réponses du ministre et de notre collègue de l’UMP, lequel affirme que le raisonnement juridique qui sous-tend la question préalable ne tient pas. Il me semble au contraire que c’est son argumentation qui ne tient pas, pas plus, d’ailleurs, que celle du secrétaire d’État.

Ils nous expliquent en effet qu'il faut une loi organique parce que cela est écrit dans la Constitution. Mais c’est la Constitution que vous avez modifiée cette été qui rend nécessaire une loi organique pour modifier le règlement de l'Assemblée nationale, et rien ne vous obligeait à modifier la Constitution en ce sens ! Notre collègue Jean-Jacques Urvoas a précisément démontré brillamment que, pour un certain nombre de ces dispositions, il n’y avait pas besoin de loi organique et qu’il pouvait y avoir application directe de la Constitution sur le règlement des assemblées.

Le fait que vous ayez recours à une loi organique (Des députés du groupe SRC quittent l’hémicycle. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Poursuivez, madame Billard, le temps passe.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ils s’en vont ! Ils s’en vont !

M. Jean Mallot. On a le droit d’amendement mais aussi celui d’aller aux toilettes ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Chers collègues, je vous en prie. Il se fait tard. Les nerfs commencent à s’échauffer, mais je vous demande de vous calmer.

Madame Billard, reprenez la parole.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, je reprendrais avec plaisir la parole si l’UMP ne faisait pas d’obstruction ! Je constate d’ailleurs que ceux qui crient à l’obstruction sont les premiers à l’utiliser. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie !

Mme Martine Billard. Jean-Jacques Urvoas a défendu une question préalable que votera le groupe GDR. En effet la loi organique que vous nous proposez a une spécificité, puisque, selon les dispositions, elle s’applique à deux dates différentes.

Sur ce qui constitue une très légère avancée des droits du Parlement, la question des résolutions, l’application se fera à l’automne, en octobre, selon la formulation du Gouvernement, en septembre, si l’amendement de notre rapporteur est adopté.

En revanche, lorsqu’il s’agit de bâillonner le Parlement, la loi s’applique dès le 1er mars, et ce n’est pas un hasard ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Discrètement, votre texte grignote des droits qui, jusqu’alors, étaient des droits établis de nos assemblées.

(M. Jean Mallot se lève et quitte son siège. – Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. M. Mallot, asseyez-vous !

Mme Martine Billard. Jusqu’à présent, le délai de dépôt de nos amendements courait jusqu’au début de la discussion générale (Les propos de l’oratrice sont couverts par les exclamations)

M. le président. Mes chers collègues, gardez votre calme si vous ne voulez pas terminer à deux heures du matin !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. À sept heures !

M. le président. Chacun se calme et reprend ses esprits. Il est tard et vous êtes fatigués, mais je vous demande encore un petit effort. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame Billard, voulez-vous conclure, je vous prie.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, le groupe GDR a, jusqu’à présent, peu fait usage de son droit de parole et j’aimerais en effet poursuivre mon explication de vote dans le calme.

M. Christian Eckert. M. Copé est debout ! Pourquoi ne le faites-vous pas asseoir ? Son attitude est scandaleuse !

Mme Martine Billard. Est-ce que le président du groupe UMP pourrait ne pas faire d’obstruction ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Madame Billard, avez-vous fini ?

Mme Martine Billard. Non, monsieur le président. (« Copé ! Copé ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dépêchez-vous, car votre temps de parole est bientôt épuisé.

Monsieur Copé, asseyez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Madame Billard, veuillez terminer.

Mme Martine Billard. Ce texte grignote à deux reprises de manière significative les droits de notre assemblée. D’abord l’article 11 prévoit que les amendements ne seront dorénavant plus recevables après le début de l’examen du texte, alors que notre règlement établit aujourd’hui qu’ils le sont jusqu’au début de la discussion générale. Ce n’est pas un détail : sur la proposition concernant le travail dominical par exemple, le délai d’amendement n’est toujours pas forclos parce que la discussion générale n’a pas démarré.

Avec l’article 12 ensuite, le Gouvernement veut supprimer la possibilité pour un groupe de s’opposer à l’utilisation de la procédure simplifiée. Si l’amendement de notre rapporteur n’est pas adopté, cela constituera un second grignotage des droits de notre assemblée.(Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce n’est pas la peine de crier ainsi ; cela ne me fera pas terminer plus vite !

M. le président. Un peu de calme ! Madame Billard ; j’essaie de calmer tout le monde ; concluez.

Mme Martine Billard. J’essaye de conclure, monsieur le président, mais c’est un peu difficile !

M. le président. Je vous ai donné plus de temps parce que vous avez été interrompue. Merci de conclure.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, c’est la première fois que je prends la parole depuis le début de l’examen de ce texte ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci de terminer.

Mme Martine Billard. Je conclus donc en disant que les députés du groupe GDR voteront la question préalable excellemment défendue par notre collègue socialiste Jean-Jacques Urvoas. Aujourd’hui, les conditions ne sont pas remplies pour débattre de cette loi organique ; il est encore moins opportun de discuter d’une telle loi en urgence, alors que tous les points prévus dans la réforme constitutionnelle – que nous n’avons pas votée ! – qui pourraient améliorer un peu les droits du Parlement ne sont pour l’instant prévus par aucun projet de loi organique.

Ce n’est pas un hasard si vous faites voter d’abord les points qui renforcent les droits de l’exécutif : c’est ce que nous dénonçons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. La position géographique d’un groupe centriste, perché en haut au milieu de cet hémicycle, n’est pas toujours avantageuse ; elle est même souvent bruyante.

Je viens pourtant de lui découvrir un avantage, celui d’offrir une très bonne vue sur l’ensemble de l’hémicycle, ce qui vient de me permettre de faire, lucidement, un constat.

Ainsi que nous nous y attendions tous, le président Jean-Marc Ayrault a pris la parole, comme le règlement lui en donne le droit, pour demander la vérification du quorum, c’est-à-dire pour vérifier que nous sommes suffisamment nombreux pour pouvoir délibérer. Eh bien dans la minute qui a suivi, s’est opéré un double mouvement : du côté droit, des députés sont rentrés pour faire constater que nous sommes en état de travailler, pendant qu’un quart du groupe socialiste quittait l’hémicycle. C’est une honte pour le Parlement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Un peu de calme !

M. Jean-Christophe Lagarde. Puisque le règlement a souvent été évoqué, il me semblerait souhaitable qu’il soit réformé afin de prévoir qu’un président de groupe qui demande la vérification du quorum dans l’Assemblée doive au moins avoir le quorum dans son groupe. Je me permets, monsieur le président, de faire cette suggestion qui me paraît correspondre au minimum de décence pour que nous puissions travailler sereinement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. M. Lagarde est seul ; il n’a pas le quorum dans son groupe !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne suis pas président de groupe et je n’ai pas demandé le quorum ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous ridiculisez l’Assemblée, monsieur Ayrault ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Calmez-vous, je vous en prie !

M. Jean-Christophe Lagarde. Même à cette heure-ci, il y a des gens qui regardent la TNT et qui peuvent observer votre attitude et des journalistes sont encore présents qui pourront rendre compte de la façon dont les choses se passent.

Je forme un dernier vœu : je souhaite que, bien que le groupe socialiste se soit organisé pour que le quorum ne soit pas atteint alors qu’il l’était il y a quelques instants dans cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Mme Marylise Lebranchu et M. Christian Paul. C’est faux !

M. Jean-Christophe Lagarde. …nous puissions continuer à siéger et voter cette question préalable, ce qui, en vertu du règlement, nous aura fait perdre une heure !

M. Christian Paul. Chiche !

M. Jean-Christophe Lagarde. Sur la question préalable, les choses sont assez simples. Vous avez dit, monsieur Urvoas, de façon plus pondérée que les réactions que nous avons entendues par la suite, qu’une partie des dispositions qui sont dans le projet de loi organique relève du règlement. Sur ce point, je suis d’accord. M. Warsmann a raison de dire que la Constitution exige que certaines dispositions soient inscrites dans une loi organique, alors que d’autres – je pense à l’article 11 – pourraient très bien ne figurer que dans le règlement.

Je trouve toutefois assez curieux le raisonnement selon lequel nous devrions refuser de débattre alors même que vous nous invitez à le faire en travaillant sur une réforme du règlement. Vous nous avez dit en effet que, puisque nous sommes si nombreux – ce qui est rare à une heure pareille –, saisissons-nous ensemble de notre règlement pour le modifier. Or nous pouvons le faire en partie par la loi organique : quelle est la différence ?

Ce sont les mêmes acteurs, sur un texte différent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le projet de loi organique est un texte du Gouvernement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce texte a été voulu par le constituant.

Les règles de modification de la Constitution sont particulières, puisqu’il faut réunir trois cinquièmes des voix au Congrès. Par ailleurs la loi organique doit être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. En revanche le règlement de chaque assemblée – qui, par nature, concerne chaque assemblée – peut quant à lui être modifié à la majorité simple. Cela signifie, et vous l’avez oublié, que la loi organique est plus protectrice, comme l’est la Constitution. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Delphine Batho. C’est une blague !

M. Jean Mallot. On meurt de rire !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est pour cela qu’il a été voulu des majorités particulières pour les lois organiques comme pour la Constitution.

Dire, au moment où le droit de résolution, dont nous étions privés depuis cinquante et un ans, entre enfin dans cet hémicycle, qu’il serait préférable qu’il relève du règlement plutôt que de la loi organique, je trouve que c’est dommage : n’importe quelle majorité pourrait alors modifier un règlement, alors que la modification de la loi organique exige d’avoir la majorité dans les deux chambres. Votre raisonnement, qui ne s’applique d’ailleurs pas à tout le texte, ne tient donc pas : avec une loi organique, les droits supplémentaires accordés au Parlement seront mieux protégés.

Nous voterons donc contre votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. J’ai été saisi par le président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande faite en application de l’article 61 de notre règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur la question préalable.

Je constate que le quorum n’est pas atteint. Conformément à l’article 61 du règlement, le vote aura lieu dans une heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise, le mercredi 14 janvier 2009, à zéro heure trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant la suspension de séance, le vote sur la question préalable a été reporté en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement. Nous allons maintenant procéder à ce vote.

En application de l’article 65, alinéa 2, le vote aura lieu par scrutin public pour éviter toute contestation sur le décompte des voix.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

……………………………………………………………..

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la question préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant engager la discussion générale.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, premier orateur inscrit, pour cinq minutes.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat, vous me permettrez de le dire très simplement, n’a pas grand-chose à voir avec la question de l’obstruction. (Rires et exclamations, puis applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La raison est simple : il ne s’est jamais vu, sous la Ve République, que l’opposition ait pu, un jour, obstruer, d’une manière ou d’une autre, le vote et l’entrée en vigueur d’une loi décidée par un gouvernement et sa majorité.

M. Bernard Deflesselles. On ne sait jamais !

M. Arnaud Montebourg. Cela ne s’est jamais produit.

La seule question qui peut se poser aujourd’hui est celle de la prolongation des débats qui semble être difficile à supporter pour une majorité dès lors qu’il y a des désaccords. Or, chers collègues, il est très fréquent qu’il y ait des désaccords tant au sein de la majorité, ou entre l’opposition et la majorité, que dans l’opposition. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Il n’a jamais été aussi bon !

M. Arnaud Montebourg. Il y a deux manières de régler ces désaccords lorsqu’ils commencent à s’exprimer : soit on constate l’existence d’un désaccord de plus et on cherche à s’en débarrasser rapidement, soit on considère que le désaccord peut servir la cause de l’intérêt général, et certains désaccords ces derniers temps ont semblé servir la cause même de la majorité.

Heureusement que l’opposition a la parole libre, comme l’a souligné le président Ayrault. Parfois, elle réussit même à convaincre certains parlementaires de la majorité, lorsque les permanences reçoivent un flot de lettres désapprouvant une mesure qu’on a pu découvrir comme étant contraire à des intérêts ; parce que le débat parlementaire s’est un peu prolongé. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. On ne comprend rien du tout !

M. Arnaud Montebourg. Quand le débat dure plus de vingt-quatre heures, qu’il se prolonge, l’opinion peut se saisir du problème. C’est cela la véritable question qui est posée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En quelques mots, si les députés de la majorité me laissent parler,…

M. Jean Mallot. Les députés de l’UMP se livrent à une obstruction inadmissible !

M. le président. Poursuivez, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. …je voudrais rappeler que le Gouvernement a pris des engagements dans le débat constitutionnel. Ainsi Mme Dati, garde des sceaux, a déclaré : « Le Gouvernement n’a pas l’intention de remettre en cause le droit d’amendement : non seulement les amendements pourront être librement déposés, mais ils pourront également être examinés en séance. »

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Arnaud Montebourg. Cet engagement a été piétiné par le dépôt de la loi organique, dans des conditions inadmissibles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Renaud Muselier. L’orateur se noie : il faut le sauver ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie.

Monsieur Montebourg, n’en rajoutez pas. Poursuivez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Montebourg. Si l’on songe que des engagements avaient été pris de ne pas remettre en cause le droit d’amendement, on peut dire que nous sommes servis ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le débat qui s’est engagé vise justement à empêcher l’opposition de défendre ses amendements, qui gêneraient la majorité gouvernementale. Pour nous, il s’agit d’une infraction à la morale publique. En effet, si le Gouvernement avait tenu ses engagements, nous aurions pu continuer, autour du président Accoyer, la discussion sur le règlement intérieur de l’Assemblée, mais tel n’a pas été le cas.

M. Christian Jacob. M. Ayrault quitte l’hémicycle !

M. Arnaud Montebourg. Au cours du débat constitutionnel, M. Copé a demandé que les parlementaires puissent connaître les projets de loi organiques à la virgule près. S’ils avaient vu ce texte, croyez-vous que la loi constitutionnelle aurait été adoptée ?

M. Jean Mallot. Sûrement pas !

M. Arnaud Montebourg. Je ne le crois pas.

Pour le Gouvernement, l’art de la tromperie consiste à prendre des engagements qu’il ne tient pas, puis à rétrécir les droits de l’opposition, alors qu’il avait promis de les élargir. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Si je puis encore dire un mot – ce qui sera sans doute de plus en plus difficile à l’avenir (Protestations sur les bancs du groupe UMP.– Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC )…

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues. Nous donnons en ce moment une image déplorable de nos débats.

Seul l’orateur a la parole ; il faut le respecter. D’ailleurs, il a presque terminé son intervention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. Enfin une bonne nouvelle !

M. Jean Leonetti. Il va y arriver !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je ne peux pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Jean Mallot. M. Copé devrait mieux tenir ses troupes !

M. le président. Concluez, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Si je pouvais dire encore un mot je rappellerais que, pendant que l’exécutif cherche à limiter le droit de parole de l’opposition, son propre temps de parole a augmenté de 250 % sur TF1, de 99 % sur France 2 et de 80 % sur BFM. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. Vous confondez avec un autre débat !

M. Christian Jacob. M. Montebourg se trompe de fiche !

M. Arnaud Montebourg. L’augmentation, dans tous les organes de presse audiovisuelle, du temps de parole de l’exécutif, notamment du Président de la République, a conduit à une déferlante médiatique et à un déséquilibre entre l’opposition et la majorité.

Pendant qu’on nous reproche de déposer quelques amendements gênants et de faire de l’obstruction, nous subissons une domination sans partage de l’espace médiatique par l’exécutif. Je voudrais tout de même que l’on reconnaisse l’état de légitime défense dans lequel se trouve aujourd’hui l’opposition, face à la déferlante médiatique qui l’empêche de s’exprimer à l’extérieur comme à l’intérieur de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci de conclure, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Rappelons le contexte dans lequel nous nous trouvons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le Gouvernement veut supprimer le juge d’instruction, c’est-à-dire empêcher les victimes de se plaindre de manière indépendante du pouvoir public et des intérêts privés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !

M. Arnaud Montebourg. On voit se multiplier, après le contrôle de la télévision publique par le pouvoir, des perquisitions dans les rédactions et des pressions sur les journalistes, quand ce ne sont pas des gardes à vue.

M. Yves Censi. Vous vous égarez !

M. Arnaud Montebourg. L’explosion du temps de parole du Président de la République est une injure à l’équilibre démocratique, que vous prétendez pourtant vouloir protéger. À tout cela, il faut ajouter les atteintes aux collectivités locales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui sont les derniers lieux de franchise et de liberté que vous ne contrôliez pas, et qui font l’objet de vos ultimes convoitises.

M. le président. Merci, monsieur Montebourg. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg. Vous me permettrez de vous dire, avec le peu de voix qui me reste, que le syndrome de l’abus du pouvoir réside déjà dans le fait que vous voulez faire tomber les contre-pouvoirs – justice, presse, Parlement – les uns après les autres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Toutefois ce que vous ne pouvez pas supporter d’entendre dans cet hémicycle, vous l’entendrez à l’extérieur. Ce sera l’histoire qui vous condamnera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que je suis saisi d’une motion référendaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Conformément à l’article 122 du règlement, le nombre de signataires de cette motion doit être vérifié. Cette vérification sera effectuée tandis que la discussion se poursuivra.

Dans la suite de la discussion générale la parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par quelques remarques de contexte.

Alors que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu de nombreuses lois organiques, l'ordre dans lequel ces différentes lois sont présentées au Parlement n'est pas anodin. Comme par hasard en effet, la première a été celle qui permettait aux ministres de retrouver leur siège de parlementaire.

Le fait que cette disposition soit rétroactive – puisqu’elle s'applique aux ministres en poste – est particulièrement choquant. La manière urgente avec laquelle la majorité a mis cette disposition en œuvre montre jusqu'où elle est capable d'aller, dans les petits arrangements entre amis, pour faciliter le prochain remaniement gouvernemental. Mais voilà : le Conseil constitutionnel a un tout petit peu freiné ce tour de passe-passe, en rendant obligatoire de nouvelles élections au cas où le ministre remercié ne souhaiterait pas redevenir parlementaire. Il n'y aura donc pas – et c’est heureux – deux catégories de parlementaires : ceux qui doivent se faire élire et ceux qui auraient pu se contenter d'attendre au chaud la place laissée par la promotion éclair, mais momentanée, au Gouvernement d’un titulaire un peu trop encombrant.

L’urgence a aussi été déclarée pour le charcutage des circonscriptions législatives…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !

Mme Martine Billard. …le tout, bien sûr, sous couvert de l'application de l'article 25 de la Constitution concernant la nouvelle commission indépendante appelée à donner un avis public. Cependant, là encore, le Conseil constitutionnel a émis des réserves qui vont contrarier quelque peu vos options.

Les éléments de censure constitutionnelle ne garantissent malheureusement pas que le redécoupage à venir respectera l'ensemble de la diversité politique du pays, mais les tripatouillages (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur la taille des circonscriptions devraient toutefois être limités, puisque le Conseil a réaffirmé que le critère premier était l'équité en termes de représentation du nombre d’habitants.

En revanche, beaucoup de dispositions prévues par les nouveaux articles de la Constitution, qui pourraient contribuer à valoriser le travail du Parlement, à dynamiser la vie démocratique et à garantir l'État de droit, mais qui appellent, elles aussi, une loi organique, attendront encore. Il en est ainsi, notamment, des dispositions de l'article 11 relatives au référendum d'initiative partagée parlementaire et populaire, du droit de saisine par voie de pétition populaire du Conseil économique, social et environnemental, des dispositions relatives au contrôle parlementaire sur les nominations, du recours a posteriori par voie d'exception pour inconstitutionnalité ou de l'instauration du défenseur des droits.

Concernant les dispositions contenues dans le projet de loi organique, et qui ont pour objectif de permettre la réécriture des règlements des deux assemblées, nous ne pouvons qu'être surpris et indignés de voir que le Gouvernement est passé outre le travail de réflexion qui avait été lancé par les groupes de travail mis en place dans les deux assemblées. Cela est d’autant plus grave que, dans la nôtre, des points de consensus avaient été trouvés entre les différents groupes politiques, même si d'autres points continuaient à faire dissensus. Une fois de plus, le Parlement est bafoué par ce Gouvernement qui ne supporte pas, chez les élus, la moindre tentative de réflexion autonome.

L'article 34-1 de la Constitution sur le droit de résolution du Parlement, auquel est consacré le chapitre Ier du projet de loi organique, trouve une application restrictive. Les délais prévus retirent tout dynamisme et toute réactivité à ce nouvel outil parlementaire qu’est le droit de résolution et ne garantissent pas un droit de tirage raisonnable par session aux groupes d'opposition ou aux groupes minoritaires pour qu’ils puissent mettre au débat, à leur initiative, les sujets qu'ils souhaitent.

Le chapitre II du projet de loi organique, portant application de l'article 39 de la Constitution, prévoit l'obligation de présenter les projets de lois assortis d'une étude d'impact. Ce serait une avancée susceptible de valoriser le travail parlementaire en garantissant les mesures de transparence et d'information du législateur, à condition que soient levées les restrictions introduites par le Gouvernement sur plusieurs types de projets de loi : projets de révision constitutionnelle, projets de loi de finances, de financement de la sécurité sociale, de programmation, de ratification d'ordonnances, ou relatifs aux états de crise. De plus, l'obligation de publication des études d'impact ne s'appliquera qu'à partir d'octobre prochain.

Venons-en au chapitre III du projet de loi, qui porte sur l'application du nouvel article 44 de la Constitution et sur l'exercice du droit d'amendement.

L’objectif principal de l’article 13 est de museler l'opposition – vous l'assumez publiquement –, mais il a aussi pour but d'empêcher les dissidences dans vos rangs, mesdames et messieurs de la majorité,…

M. Claude Goasguen. Tu parles !

Mme Martine Billard. …comme si l’octroi de quelques droits à la majorité parlementaire par la révision constitutionnelle de juillet devait absolument être compensé par le retrait de droits propres non seulement aux membres de l'opposition, mais aussi à tout parlementaire souhaitant s'exprimer à titre individuel.

Les grands discours sur le renforcement des pouvoirs du Parlement sont, une fois de plus, confrontés à une triste réalité de mépris institutionnel. Quand le Président de la République a décidé, finie la réflexion démocratique et place aux décisions autoritaires ! Quant au timing choisi, serait-il dû à son incapacité à imposer, au rythme qu'il souhaitait, la discussion du texte de loi sur le travail du dimanche ? On peut se poser la question.

Quand un texte provoquera beaucoup de remous au sein de la majorité, il suffira d'utiliser le nouveau dispositif du « temps muselé ». En effet, le temps étant octroyé globalement par groupe, tout dissident pourra se voir supprimer son temps de parole au nom de l'intérêt du groupe ou le voir réduit à la portion congrue. Quant à la possibilité pour tout parlementaire de prendre la parole pour défendre ses amendements, elle n'est plus garantie.

Cet article 13 est contraire à la Constitution qui, en son article 27, indique : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel ».

M. Jean Mallot et M. Christian Eckert. Très juste !

Mme Martine Billard. Ces phrases signifient que le parlementaire ne peut se contenter de lever mécaniquement la main pour voter : qu'il soit de la majorité ou de l'opposition, il a non seulement le droit mais aussi le devoir de voter en son âme et conscience. Nos concitoyens nous interpellent d'ailleurs régulièrement sur nos votes, au nom de ce droit. À l’avenir, devrons-nous leur expliquer que nous pouvons certes voter, mais que nous ne pouvons plus défendre nos idées, celles pour lesquelles ils nous ont élus ?

Tout député a un droit individuel d'amendement reconnu par la Constitution. Celui-ci implique la liberté d'expression du parlementaire par rapport à son groupe politique, ainsi que celle du parlementaire non inscrit. Ce droit individuel ne peut valablement s'exercer que s'il va de pair avec le droit de défendre ses amendements. À l'heure actuelle, tout député peut déposer l'amendement de son choix, ce qui permet l'expression de la diversité des opinions et la possibilité pour les députés non inscrits de s'exprimer.

La réforme que vous proposez enlèvera de sa vitalité au débat démocratique, car elle ne permettra plus l’expression dissidente. Elle met en place une véritable caporalisation des groupes politiques.

M. Jean Mallot. Ou plutôt une « copéisation » !

Mme Martine Billard. Le droit d’amendement permet d’ajuster ou de préciser la loi. Rappelez-vous le projet de loi sur le handicap : combien d’amendements du rapporteur et de la majorité a-t-il fallu pour que ce texte prenne sa forme définitive ?

Le droit d’amendement permet aussi de porter un débat devant le public et, le cas échéant, de donner à la société la possibilité de se mobiliser contre un texte écrit à la va-vite, dans l’urgence d’une émotion médiatique à laquelle le pouvoir exécutif pense répondre.

Le refus du mandat impératif signifie que chacun a le droit et le devoir de s’exprimer pour défendre ses idées. Or comment remplir ce mandat sans pourvoir prendre la parole ? Vous rabaissez le Parlement en le transformant en chambre d’enregistrement.

M. Lionnel Luca. C’est ridicule !

Mme Martine Billard. Ce projet de loi sape les piliers de la démocratie représentative comme les ont établis les philosophes politiques de renom tel que Bernard Manin. L’interdiction du mandat impératif est liée à la liberté et à la publicité du débat parlementaire.

Alors que l’initiative des lois appartient pour l’essentiel à l’exécutif, le principal outil d’intervention du législateur est le droit d’amendement. Néanmoins cette intervention ne peut se réduire au dépôt et au vote, hors de l’épreuve de la délibération publique. La démocratie représentative repose sur la vertu du débat qui permet de corriger, d’infléchir les positions initiales avant la mise au vote.

Lors de ses vœux au Parlement, le 7 janvier, le Président de la République a osé dire que les parlementaires ne devaient pas se laisser dicter leur conduite par leur discipline de groupe. Quelle impudence ! Il est vrai que, dans son esprit, cela ne devait concerner que les députés de l'opposition. Mais comment ne pas se laisser dicter sa conduite par la discipline de groupe, si l'expression individuelle par le droit d'amendement est de fait supprimée ? Il faudrait savoir.

M. Claude Goasguen. Cela n’est pas supprimé !

Mme Martine Billard. Peut-on concevoir un parlementaire qui vote différemment de son groupe mais qui n'a pas les moyens d'expliquer le sens de son vote ? Pensez-vous sérieusement que cela sera compris par nos concitoyens ?

Vous prétendez que cette restriction du droit au débat serait la conséquence des pratiques d'obstruction de l'opposition. La présentation de statistiques à ce sujet est trompeuse. Par exemple, sur les vingt dernières années, les temps de séance les plus longs pour un projet ont été répartis de façon similaire sous les gouvernements de droite ou de gauche. Quant au nombre d'amendements déposés rapporté au nombre de jours de séance, il n'a pas de signification réelle. Par exemple, en 2005-2006, il y a eu 10 196 amendements déposés, soit la moyenne basse des quinze dernières années, dont 3 317 ont été adoptés, soit un tiers, ce qui représente un pourcentage élevé. Pourtant, le nombre de jours de séance correspondant est parmi les plus élevés des dix dernières années.

Vous nous dites qu’il y a le travail en commission. Cependant, en se réunissant au plus six heures par semaine, les commissions n'ont ni les moyens ni le temps d'examiner attentivement les textes présentés. Et tant qu'il n'y aura pas de réduction du cumul des mandats, rien ne garantit que les députés seront plus présents en commission qu'ils ne le sont en séance.

Parallèlement à la limitation des droits du Parlement, aucune restriction n'est apportée à ceux du Gouvernement. Ce dernier conserve ainsi le droit de déposer des amendements en séance et de réserver des articles pendant la discussion, sans oublier que l’article 45 de la Constitution permet maintenant de déposer des amendements n’ayant qu’un lien indirect avec le texte.

Désormais, le Gouvernement pourra continuer à déclarer l'urgence tout en imposant un temps global limité pour le débat. Ses prérogatives sont ainsi renforcées au détriment du Parlement.

Si l’on veut mieux organiser le travail parlementaire, une solution très simple s'impose, sur laquelle la plupart des députés de la majorité comme de l’opposition s'accordent : l'abandon de la procédure d'urgence par le gouvernement sauf dans de très rares exceptions. Comment voulez-vous produire un travail sérieux et des lois bien écrites lorsque nous avons huit jours entre l'accès au texte de loi et son examen en séance ?

A vous écouter, maintenant que des délais sont fixés entre le dépôt d'un texte et son examen en commission, il n'y aurait plus de problème et rien ne justifierait de longs débats en séance. Tout cela est bien beau, mais à condition que le Gouvernement n'utilise pas systématiquement la procédure d'urgence, pour éviter les deux lectures, sur la quasi totalité des lois importantes, comme il l’a fait depuis juin 2007. Loi en faveur des revenus du travail : urgence ! Loi sur le RSA : urgence ! Accueil dans les écoles en cas de grèves : urgence ! Loi sur le temps de travail : urgence ! Modernisation de l'économie : urgence ! Droits et devoirs des demandeurs d'emploi :…

Plusieurs députés du groupe UMP. Urgence !

Mme Martine Billard. …urgence ! Modernisation du marché du travail :…

De nombreux députés du groupe UMP. Urgence !

Mme Martine Billard. …oui urgence ! Et on pourrait continuer ainsi.

Y compris sur des textes que nous n’avons pas encore eu le temps d’examiner, l'un sur le logement, l'autre sur les hôpitaux, le Gouvernement a déclaré l’urgence.

Et même en abusant de la procédure d'urgence, le Président de la République trouve que cela ne va pas assez vite. Pourtant, 72 textes ont été adoptés par le législateur depuis juin 2007, sans compter les conventions internationales, ce qui est tout à fait équivalent aux nombres de textes adoptés lors des deux législatures précédentes.

M. Bernard Deflesselles. Justement !

Mme Martine Billard.
La qualité des lois et leur efficacité dépend-elle du nombre de lois adoptées et de leur rapidité d'adoption ? Franchement non ! Ce serait même plutôt le contraire.

Aujourd'hui, il y a plutôt trop de lois, de lois mal écrites et, qui plus est, impossibles à mettre en œuvre, faute des textes d'application nécessaires. Le Sénat a ainsi relevé, fin 2008, qu’un quart seulement des dispositions réglementaires d'application des lois adoptées lors de l'année précédente, avaient été prises : 24,6 % en 2007-2008 contre 32,1 % l'année précédente. Le comble est que le taux d'application des lois adoptées après déclaration d'urgence n'est que de 10 %, parce que le Gouvernement ne publie pas les décrets nécessaires, après avoir fait travailler le Parlement au pas cadencé, avec une seule lecture dans chaque assemblée !

Et que de fois nous avez-vous présenté un nouveau projet sur le même sujet six mois plus tard tant la loi votée était mal rédigée ? Tous les députés le disent, ceux de la majorité comme ceux de l’opposition, lorsqu’ils s’expriment dans les couloirs : les lois sont mal rédigées et nous n’avons pas le temps de les travailler sérieusement. Elles sont souvent prises sous le coup de l’émotion.

M. Richard Mallié. Si vous ne faisiez pas d’obstruction, on pourrait travailler !

Mme Martine Billard. Cela n’a rien à voir avec l’obstruction. La loi sur le handicap, et bien d’autres, n’y ont pas donné lieu.

Seulement voilà, le Président de la République est pressé. Il est comme les petits enfants : il veut tout, tout de suite, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) et en plus en trépignant sous l'emprise de ses impulsions. Ce qu'il veut, ce sont beaucoup de procédures d'urgence, une opposition muselée et une majorité godillot qui ne sorte pas du rang.

Dans ces conditions, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Motion référendaire

M. le président. En application de l’article 122 du règlement, j'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et de soixante-cinq de ses collègues, une motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion. La liste des signataires sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

Je vais procéder à l’appel nominal des signataires figurant sur la liste présentée à l’appui de la motion.

Ils voudront bien répondre présent et lever la main à l’appel de leur nom.

(Il est procédé à l’appel nominal des signataires de la motion.)

M. Jean Leonetti. C’est moderne, comme procédure !

M. le président. Acte est donné de la présence effective en séance des signataires de la motion.

La parole est à M. Manuel Valls pour la présenter.

M. Manuel Valls.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en application de l'article 122 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de présenter, au nom de tous les députés du groupe SRC, une motion tendant à soumettre le projet de loi organique au référendum.

M. Alain Gest. Cela va intéresser les Français !

M. Manuel Valls. Dans une célèbre formule de De l'esprit des lois, Montesquieu (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) explique que « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut, que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

Le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution défend, au contraire, le principe d'une parfaite synergie des pouvoirs, au risque d'en permettre tous les excès. Ce changement complet de paradigme dit tout l'enjeu de notre discussion ; il mériterait que chacun d'entre nous se mette à sa hauteur et laisse aux rieurs le soin des caricatures, monsieur Copé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Il est déplorable, à cet égard, que certains responsables du groupe UMP aient voulu placer notre débat sous le signe de la dérision. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur. Elle est méritée !

M. Manuel Valls. Le clip mis en ligne il y a quelques heures voudrait brouiller nos échanges dans le bourdonnement d'un buzz ! Pareille méthode humilie d'abord ses auteurs. Soyez sûr, monsieur le président Copé, que cette œuvre a déjà gagné sa place dans les annales de l'antiparlementarisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Un autre danger serait de croire que le présent projet de loi n'intéresse que les spécialistes en droit parlementaire. Dans un contexte dégradé par la crise économique et sociale, on pourrait craindre, en effet, qu'il retienne peu l'attention de nos compatriotes. Ce serait dommage car les règles relatives au droit d'amendement ne relèvent, en aucun cas, des détails techniques.


Ainsi que beaucoup l’ont dit avant moi, le droit d’amendement est l’un de nos droits les plus essentiels. Il constitue, depuis près de deux siècles, la substance même des discussions qui animent cet hémicycle car le pouvoir du législateur, la fabrication de la loi, s’incarnent dans l’amendement, que celui-ci se résume à un mot ou comporte plusieurs pages.

M. Claude Goasguen. Relisez donc Blum !

M. Manuel Valls. Grâce à l’amendement, nous pouvons honorer les principes de la maïeutique et faire naître une vérité de la confrontation des points de vue. Ainsi, le 30 janvier 1875, le privilège de rétablir la République est revenu à un simple amendement. Réformer les règles qui l’encadrent mérite donc mieux que des coups de hache.

La controverse sur le projet de loi organique met aux prises deux conceptions de la place du Parlement dans une démocratie moderne. Doit-il rester le lieu privilégié du débat public ou doit-il devenir le rouage, toujours plus efficace, d’une mécanique bien huilée ?

Fidèle à notre tradition démocratique, la première conception considère que les clivages idéologiques ont toujours leur pertinence et qu’ils doivent pouvoir s’exprimer dans toute leur vigueur et dans toute leur « longueur », au sein même des institutions de la République.

M. Richard Mallié. Monsieur Valls, on vous a connu meilleur !

M. Manuel Valls. Partant du principe que différents choix politiques sont possibles sur chaque question, cette conception admet que le Parlement soit leur lieu d’expression. Elle suppose ainsi que les hémicycles ouvrent grand leurs portes à la contradiction au cours même de la législature.

Toute autre est l’approche qui sous-tend le projet de loi organique, et qui semble inspirée des rêves de technocrates. Selon celle-ci, l’époque des grands débats est révolue et les choix n’opposent plus, désormais, que les « solutions qui marchent » à celles qui ne « marchent pas ». Dans cette perspective, une fois que les électeurs ont tranché, la contradiction devient une gêne qu’il faut éliminer du cadre institutionnel. Les conflits résiduels sont renvoyés à l’extérieur des hémicycles car il reste, « malheureusement » des attardés qui n’ont rien compris à la postmodernité ! On attend des parlementaires qu’ils travaillent avec le zèle et le calme des bons élèves dont vous rêvez.

M. Philippe Cochet. Restez zen, monsieur Valls !

M. Manuel Valls. Mes chers collègues, voilà bien l’esprit qui anime ce projet et, en dehors même de son texte, de nombreux éléments le prouvent. Ainsi, l’un des plus éminents commis de l’État a eu la maladresse de rêver à voix haute en déclarant à la presse que l’Assemblée nationale devait réformer son règlement. Sur quelle légitimité le secrétaire général de l’Élysée s’appuie-t-il donc pour nous dicter sa volonté ?

M. Bernard Roman. C’est scandaleux !

M. Manuel Valls. Mesdames et messieurs de la majorité, vous devriez crier au scandale devant cette conception du Parlement et de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Calmez-vous !

M. Richard Mallié. C’est lamentable !

M. Manuel Valls. Plus récemment encore, lors de ses vœux aux parlementaires, le chef de l’État, lui-même, a pris des accents de manager soucieux, avant tout, d’augmenter le rendement d’une entreprise. Il va falloir « continuer à travailler, et à travailler très dur » a-t-il prévenu. Est-ce cela l’autonomie retrouvée du Parlement ? En réalité, mes chers collègues, certains ont si bien intégré notre subordination qu’ils applaudissent même aux rappels à l’ordre !

L’actualité immédiate offre une preuve plus flagrante et inquiétante encore du mépris dans lequel est tenu le pouvoir législatif. Fait sans précédent, avant même que le projet de loi sur l’audiovisuel n’ait été discuté par les sénateurs, l’une de ses dispositions les plus importantes était déjà mise en œuvre.

M. Alain Gest. La faute à qui ?

M. Philippe Cochet. Mais 85% des Français approuvent cette réforme !

M. Manuel Valls. Le process législatif conçu par nos ingénieurs n’admet, en effet, aucune erreur. Une fois programmée l’entrée en vigueur d’une mesure, en cas de bug dans le système, les circuits sont raccourcis pour contourner l’obstacle. Et « quel que soit le coût politique en termes d’image », comme le dirait le président Copé, la mesure doit être opérationnelle à l’heure prévue.

Je me fais l’écho des inquiétudes des membres de mon propre groupe, et de son président qui déplorait que « l’État soit en train de glisser d’une conception sécuritaire vers une tentation autoritaire ». Depuis plusieurs mois, les principaux contre-pouvoirs de notre pays font l’objet de pressions qui peuvent laisser croire que l’on en veut à leur indépendance.

M. Alain Gest. Cinéma !

M. Manuel Valls. Toutefois, je redoute davantage le danger plus pernicieux encore d’une emprise croissante des discours technocratiques dans le débat public. La complexité grandissante des problèmes auxquels sont confrontées les sociétés modernes pourrait faire penser que les analyses politiques sont aujourd’hui dépassées et que le poids des réalités a fini par écraser la force des valeurs. Selon cette hypothèse, la seule voie d’action possible resterait celle du prudent pragmatisme enseigné dans les plus hautes écoles de l’État.

La logique de ce projet de loi organique, j’en suis convaincu, relève aussi de cette tentation technocratique. Limiter le temps de parole et le droit d’amendement des parlementaires, c’est leur signifier que les projets de loi, préparés par les fonctionnaires des cabinets ministériels sont parfaits, au moment de leur dépôt. Aujourd’hui, plus encore qu’au début de la Ve République, la « rationalisation du parlementarisme » est avant tout le masque de cette rationalité technique.

Avec tous les membres de mon groupe et, au-delà, j’en suis sûr, avec beaucoup d’autres parmi vous, nous sommes fiers de nous ranger parmi ceux qui ne renoncent pas à l’ambition de faire de la politique.

Indice d’une tentation technocratique, le projet de loi organique est également le symptôme d’un second mal sans doute plus grave encore. Le dispositif tend en effet à raccourcir le temps consacré à la discussion des textes pour garantir leur publication rapide au Journal Officiel.

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Manuel Valls. Son objectif à peine voilé – je vous le rappelais : on nous a prévenus qu’il faudrait « travailler très dur » – consiste à aligner le pas du Parlement sur la marche du chef de l’État, elle-même calquée sur le rythme frénétique de l’actualité médiatique ! Et l’on voudrait nous faire croire que nos travaux sortiraient grandis de cette fuite en avant !

Si le Président de la République regrette que les députés socialistes « déposent des amendements à la brouette », il devrait, pour sa part, renoncer à faire déposer des projets de loi par charrettes. Notre République n’a besoin ni d’un roi fainéant, ni d’un Roi Soleil ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En réalité, comme nous l’avons démontré, la pagaille dont vous parlez n’est pas le fait de l’obstruction de l’opposition. L’engorgement législatif relève d’abord, et avant tout, de la responsabilité d’un exécutif qui oublie le sens de ses priorités, et qui se plaint ensuite que le sceptre du pouvoir n’ait pas l’efficacité d’une baguette magique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Donner, chaque semaine, un nouveau texte en pâture aux médias est la pire manière de faire la loi. Un rapport du Sénat, publié en novembre dernier, le prouve : depuis le début de la présente législature, le taux de mise en œuvre des lois votées n’atteint même pas 25 % ! Balayez donc devant votre porte avant de mettre en cause le droit d’amendement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce triste bilan rappelle que le temps de l’action publique n’est pas le temps médiatique. La noblesse de la politique est de prendre en charge la durée, et de dégager des perspectives qui débordent le cadre étroit du premier titre des journaux télévisés de vingt heures.

Selon la formule du juriste Hans Kelsen, le Parlement est « le destin de la démocratie ». Au vu des dangers qui le menacent, ce destin s’annonce malheureusement bien sombre. Pour faire du Parlement un rouage capable de légaliser toujours plus vite les volontés présidentielles, le Gouvernement souhaiterait qu’il devienne le seul endroit au monde où soit enfin assuré un risque zéro.

Dans ce schéma, strictement inverse aux conceptions de Montesquieu, les institutions doivent s’agencer dans leur ensemble pour constituer un engrenage parfaitement chronométré qu’aucun grain de sable ne peut jamais enrayer. Il s’agit là, je le crains, du destin d’une démocratie d’automates !

Ayant replacé le projet de loi organique dans son contexte, j’entre maintenant dans le détail de ses articles. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

À en croire vos déclarations, monsieur le secrétaire d’État, chacune des dispositions de ce texte aurait pour unique objet de renforcer les droits du Parlement. Tout, selon vous, y compris l’instauration d’un « crédit temps », contribuerait à restaurer ses prérogatives. Autant dire d’un corset de fer qu’il pourrait se transformer en une belle robe de mariée ! L’analyse du projet révèle, au contraire, que, partout, le poison est dans le miel, quand il n’est pas injecté sans mélange.

Présenté, en juin dernier comme un droit nouveau venant utilement « combler ce qui avait pu apparaître comme une lacune dans les modes d’expression du Parlement », le droit de résolution sort éreinté des cinq articles du chapitre Ier du projet de loi organique. Je passe sur les banderilles qu’il reçoit aux articles 4 et 5 pour aller directement au coup de grâce de l’article 3.

Selon cet article, le Premier ministre est le juge unique et sans appel de la recevabilité des propositions de résolution. S’il estime qu’elles contiennent « une injonction à son égard », il pourra interdire, sans recours, leur inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée. Au moins, les choses sont-elles claires : le droit de résolution devra servir, avant tout, à faire la louange de l’action du Gouvernement !

Nous retrouvons encore la logique d’un schéma reposant sur l’intégration parfaite des différentes institutions : chaque pouvoir accordé à l’une des parties doit augmenter celui des autres. En effet il est essentiel que, en toutes circonstances, toutes les institutions restent solidaires entre elles pour augmenter le rendement de l’ensemble.

De même, les études d’impacts sont largement vidées de leur contenu au fil des dispositions du chapitre II. Alors que le Premier ministre avait défendu, le 8 juillet 2008, « l’obligation d’assortir tous les projets de loi d’études d’impact », le texte énumère une série d’exceptions à cette règle. Surtout, il suspend cette obligation au bon vouloir du Gouvernement, même pour les simples lois ordinaires. Il suffira, en effet, que l’urgence soit déclarée sur un texte pour en affranchir l’exécutif.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas ce que souhaite la commission !

M. Manuel Valls. Avec la banalisation de cette procédure, il est fort à craindre que les études d’impact ne soient pas, à l’avenir, plus nombreuses que par le passé. C’est pourquoi, le groupe SRC espère que le Gouvernement aura la sagesse d’accepter les amendements votés par la commission des lois, à l’initiative de notre rapporteur, Jean-Luc Warsmann. Seule leur adoption en séance permettrait de donner un peu de substance à ce droit minimal d’information du Parlement.

M. Sébastien Huyghe. Très bien !

M. Claude Goasguen. On progresse !

M. Manuel Valls. Viennent ensuite les fameuses dispositions du chapitre III, visant à appliquer le nouvel article 44 de la Constitution.

À de multiples reprises le Gouvernement s’était engagé, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle, à ne « jamais remettre en cause le droit d’amendement ». Aujourd’hui encore, monsieur le secrétaire d’État, au prix de contorsions qui feraient l’admiration des jésuites, vous soutenez qu’il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de brider la parole des parlementaires. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. On vous a vraiment connu meilleur, monsieur Valls !

M. Manuel Valls. S’il en reste qui, de bonne ou de mauvaise foi, veulent bien encore vous croire, beaucoup de ceux qui, au printemps dernier, vous avaient accordé leur confiance dénoncent aujourd’hui la trahison de la parole donnée. Ainsi, notre collègue Gérard Charasse a écrit au Président de la République pour lui signaler l’incompréhension et l’inquiétude de tous les députés radicaux de gauche.

M. Alain Gest. Incroyable !

M. Manuel Valls. Hélas, cet appel n’a pas été entendu ! Notre président Jean-Marc Ayrault a donc raison de vous alerter sur le risque d’une crise politique majeure et de déclarer que nous sommes, désormais, en « état de légitime défense ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. On aura tout entendu !

M. Manuel Valls. Il est vrai que deux amendements votés par la commission des lois permettront, peut-être, de désamorcer la bombe de l’article 12. À la demande de notre rapporteur, l’exigence d’un accord unanime de tous les présidents de groupe, garantirait que la procédure d’examen simplifié ne soit pas utilisée pour dessaisir la séance plénière de textes polémiques.

De même, le dispositif, défendu par le groupe SRC, interdisant au Gouvernement d’amender un projet de loi lors de son passage en séance, donnerait l’assurance qu’un ministre ne puisse y défaire le travail effectué par les parlementaires en commission. Encore faudra-t-il que ces deux amendements soient également adoptés en séance !

M. Yves Nicolin. Encore faudrait-il que l’on puisse commencer la discussion des articles de ce texte !

M. Manuel Valls. En revanche, et ce point est essentiel, aucune amélioration n’a été apportée à l’article 13, dispositif le plus dangereux du projet, que notre collègue Jean-Jacques Urvoas appelle, à raison, « le temps-guillotine ».

M. Claude Goasguen. C’est absurde !

M. Manuel Valls. D’après les termes mêmes de notre rapporteur, la finalité de cet article est « d’éviter les poisons de l’obstruction ». Nous touchons donc au cœur du sujet et à la racine de bien des fantasmes.

Si de nombreux chiffres ont déjà été cités par les uns et les autres sur la réalité de ce « poison », je veux, pour ma part, n’en rappeler qu’un seul : depuis 1981, 1 518 textes ont été adoptés par le Parlement, et seuls trente d’entre eux, soit moins de 2 %, ont fait l’objet de plus de mille amendements.

L’arsenal de l’article 13 permettra donc d’écraser une mouche à coups de marteau-pilon. L’épouvantail de l’obstruction est avant tout l’alibi facile du pouvoir en place pour justifier ses propres retards, ses propres lacunes et ses propres échecs.

Du reste, dans une interview au Parisien, le président de notre assemblée lui-même, Bernard Accoyer, a regretté l’image déformée que certains, à droite, monsieur Copé, ont voulu donner de nos récents débats sur le projet de loi audiovisuel : « Il n’y a pas eu d’obstruction caricaturale sur ce texte », a-t-il déclaré. En effet, consacrer soixante-dix heures de notre temps à une réforme que le Président de la République juge lui-même essentielle ne relève pas de la flibusterie parlementaire.

En tout état de cause, lorsque ce même Président dispose d’un temps de parole illimité, du soir au matin, dans tous les médias, rien ne peut justifier que l’on limite la parole des parlementaires dans leurs propres enceintes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Richard Mallié. Et vous y croyez ?

M. Manuel Valls. Oui, monsieur Mallié, j’y crois, comme tous les Premiers ministres qui ont exprimé leurs inquiétudes face à ce qui est en train de se passer, qu’ils s’appellent Jean-Pierre Raffarin ou Dominique de Villepin, que vous devriez, vous aussi, écouter de temps en temps sur ces sujets. (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ah, ça fait mal ! Cela vous gêne, monsieur Copé, vous qui avez été membre de leurs gouvernements, que ces anciens Premiers ministres considèrent que la majorité remet en cause certains de textes fondamentaux de la République. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Nicolin. Vous êtes lamentable !

M. le président. Du calme, mes chers collègues !

M. Manuel Valls. Il est faux de considérer – et c’est un de nos désaccords essentiels – que le résultat d’une élection tranche tout débat pour la durée du mandat. Il est faux de croire que l’opposition parlementaire doit prendre son mal en patience et rester passive jusqu’à ce que son tour vienne.

Dans une démocratie libérale, le devoir de l’opposition est d’attirer l’attention de l’opinion publique sur les décisions qu’elle juge dangereuses. Dans l’exercice de cette mission, le droit d’amendement est l’un de ses principaux pouvoirs d’alerte. Cela est vrai pour nous comme pour vous, chers collègues, lorsque vous êtes dans l’opposition. C’est d’ailleurs ce que déclaraient Jean-Christophe Lagarde et les responsables du Nouveau Centre, il y a quelques mois ; ils devraient s’en souvenir et refuser ce texte qui met à mal les droits fondamentaux du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le droit d’amendement doit en effet permettre à l’opposition, quand les circonstances le justifient, de mettre quelques grains de sable dans les rouages de mécaniques trop bien huilées. Ce faisant, elle ne dessert pas la démocratie ; elle applique, au contraire, le principe de Montesquieu, selon lequel le pouvoir doit être en mesure d’arrêter le pouvoir. C’est le fondement même de la démocratie.

Il serait inexact de prétendre que la minorité peut ainsi obtenir la mise en échec de la volonté de la majorité. Chacun sait en effet que les murs d’amendements restent des murs de papier et qu’ils n’ont jamais pu, à eux seuls, faire échouer l’adoption d’un texte. La Constitution offre au Gouvernement tout l’arsenal nécessaire pour écraser ce que certains appellent la « guérilla parlementaire ». Certes, la nouvelle rédaction de l’article 49-3 encadre strictement l’usage de celui-ci, mais la procédure du vote bloqué, prévue à l’article 44-3, reste intacte et permet de clore tous les débats, à tout instant, par un seul vote.

L’obstruction de l’opposition n’a donc de chances d’aboutir que dans l’hypothèse où la mobilisation de l’opinion publique finit par faire bouger les lignes au sein de la majorité – je pense au projet de loi sur le travail du dimanche – ou au sein même du Gouvernement, comme l’attestent certaines révélations récentes sur le CPE.

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Manuel Valls. Si l’opposition devait perdre la pleine jouissance du droit d’amendement, la subordination de la majorité à l’exécutif en sortirait renforcée et le Gouvernement y perdrait un précieux élément de mesure de l’état des forces sociales. La défense de ce droit est donc bel et bien l’affaire de tous, mes chers collègues. Ce n’est pas un problème de droite ou de gauche, mais une question de principe, car c’est l’équilibre entre les pouvoirs de l’exécutif et du législatif qui est en jeu.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Manuel Valls. À gauche comme à droite, nous sommes unanimes à considérer qu’il est impérieux de rééquilibrer ces pouvoirs. Cette exigence est d’autant plus vive que notre pays subit, depuis des années, une grave crise du civisme. La diminution progressive du taux de participation à tous les scrutins, sauf lors de la dernière élection présidentielle, témoigne d’une défiance croissante de nos concitoyens envers leurs institutions. Les parlementaires socialistes ont donc, eux aussi, engagé une réflexion et tracé des pistes pour la réforme de nos institutions. Nous les avons défendues au printemps dernier.

M. Christian Jacob. Ah bon ? Lesquelles ?

M. Manuel Valls. L’une des plus abouties est la proposition de loi constitutionnelle déposée au Sénat par notre collègue Jean-Pierre Bel le 12 juillet 2007.

Il est de bon ton, dans les rangs de la majorité et du Gouvernement, d’en citer l’article 26, qui prévoit en effet qu’un délai peut être fixé pour l’examen d’un projet de loi. Néanmoins, avant de se réjouir, les lecteurs trop rapides feraient bien de prendre connaissance de l’ensemble de ses dispositions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Calmez-vous !

M. Manuel Valls. Ils y découvriraient que, si les socialistes ne nourrissent nulle nostalgie pour la IVRépublique,…

M. Alain Gest. Ce n’est pas sûr !

M. Jean-Paul Anciaux. Vous n’aimez pas la Ve république !

M. Manuel Valls. …ils ont d’autres ambitions que celle de « rationaliser » encore et toujours le travail parlementaire, objet explicite, je le rappelle, du présent projet de loi organique. Lisez son exposé des motifs, chers collègues de la majorité : c’est écrit en toutes lettres, page 5. Vous y découvrirez des dispositions qui remettent en cause nos droits fondamentaux.

Quoi qu’il en soit, nous n’hésitons pas à dire à nos collègues de la majorité que nous serons prêts à discuter d’un « crédit-temps » le jour où le Chef de l’État acceptera d’y soumettre, lui aussi, ses interventions dans les médias. (« Très bien !» sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Ce n’est pas demain la veille !

M. Manuel Valls. Mes chers collègues, pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), permettez-moi, puisque des clips ont été diffusés ces derniers jours, de citer un célèbre film de Frank Capra, M. Smith au Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dans lequel James Stewart incarne un citoyen américain sans histoire que le hasard conduit à devenir sénateur. (« Et Casimir ? » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Lamentable !

M. Manuel Valls. Que voulez-vous, monsieur Copé, nous n’avons pas la même culture ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. C’est sûr !

M. Manuel Valls. À vous, les clips caricaturaux ; à moi, le rappel de films qui ont marqué l’histoire !

M. Jean-François Copé. Nous, nous ne connaissons rien, n’est-ce pas ?

M. Manuel Valls. Laissez-moi terminer, monsieur Copé. N’aboyez pas ! En tant que président du groupe majoritaire, vous devriez donner une autre image du travail parlementaire. Votre comportement n’est pas digne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Du calme !

M. Manuel Valls. Ce film, qui est un hymne à la démocratie, raconte comment les idéaux sincères de cet homme honnête finissent par triompher de la corruption des mœurs et par briser la machine des professionnels de la politique, monsieur Copé.

M. Jean-François Copé. Dont vous n’êtes pas, bien entendu !

M. Manuel Valls. Dans une scène d’anthologie, le héros s’engage, jusqu’à l’épuisement de ses forces physiques, dans un exercice de flibustering à la tribune du Sénat.

M. Yves Albarello. Nous sommes en France !

M. Manuel Valls. Alors que tous l’exhortent à s’interrompre, il parvient in extremis à susciter chez ses concitoyens l’émotion nécessaire à la victoire de leur cause. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.). Néanmoins son courage et son abnégation seraient restés vains s’il n’avait pu compter sur la bienveillance du président de séance qui, à plusieurs reprises, eut l’heureuse clairvoyance de lui laisser la parole.

Monsieur le président de l’Assemblée, j’ai le regret de vous dire que, si le projet de loi organique devait être voté en l’état, vous seriez obligé d’exiger des huissiers qu’ils raccompagnent M. Smith à la porte de cet hémicycle.

M. Jean-François Copé. C’est n’importe quoi !

M. Manuel Valls. Parce que le groupe SRC souhaite laisser la parole à nos compatriotes, j’ai l’honneur, mes chers collègues, de vous demander de voter la motion référendaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Debout ! Debout ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur le vote de la motion référendaire, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote sur la motion référendaire, la parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC, pour cinq minutes.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, mes chers collègues, naturellement, le groupe SRC votera cette motion référendaire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié. Quelle surprise !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. …même si nous avons eu le plus grand mal à entendre Manuel Valls, dont les propos ont souvent été couverts par le vacarme de la majorité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Souffrez, chers collègues, que j’utilise les cinq minutes qui me sont octroyées par le président pour expliquer les raisons pour lesquelles nous souhaitons que ce texte soit soumis à référendum. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. L’UMP fait de l’obstruction !

M. le président. Poursuivez, monsieur Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Puisque nous entamons un débat qui sera très long, nous avons intérêt à utiliser des arguments respectables, notamment historiques. Je ne comprends d’ailleurs pas que de telles références provoquent la moquerie. J’ai toujours estimé, avec Montesquieu, que l’histoire éclaire les lois, et ce type de références ne me paraît pas anodin lorsque l’on débat d’une modification de la Constitution.

À ce propos, nos collègues de la majorité citent abondamment Léon Blum, qu’ils ont découvert depuis quelques années,..

M. Claude Goasguen. Pour qui vous prenez-vous ? Un peu de pudeur !

M. Jean-Jacques Urvoas. …pour tenter de nous mettre face à des contradictions. Or Léon Blum a écrit ses Lettres pour la réforme gouvernementale en 1918,...

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Jean-Jacques Urvoas. … date à laquelle il n’était pas encore parlementaire. Il fut en effet élu député de la Seine en 1919.

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Il n’était pas non plus dirigeant de la SFIO.

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Il était alors maître des requêtes au Conseil d’État. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.) Il a donc écrit ce texte, réédité en 1936 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jean Mallot. Y a-t-il un président ?

M. le président. Poursuivez, monsieur Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. …en tant que fonctionnaire (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. Poursuivez.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, je ne m’entends pas moi-même.

M. le président. Il est tard, monsieur Urvoas, et la fatigue commence à se faire sentir. En outre, la lenteur de nos débats a pu susciter une certaine nervosité. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous manquez à vos responsabilités, monsieur le président !

M. le président. Je vous en prie ! Terminez, monsieur Urvoas !

M. Jean-Jacques Urvoas. Or, se référer à ce texte de Blum, c’est apporter de l’eau au moulin de ceux qui accusent la majorité de vouloir concentrer un peu plus le pouvoir dans les mains du Président de la République. En effet, la démonstration conduite au long des huit chapitres que comptent les Lettres pour la réforme gouvernementale est empreinte de la fascination que Blum éprouve à cette époque pour la Chambre des Communes, dans laquelle, dit-il, le chef de l’exécutif doit aussi contrôler le législatif. C’est ce qu’il appelle le « leading ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette manière de nier la séparation des pouvoirs ne correspond pas à la tradition française. Ce texte n’est donc pas la référence des socialistes dans ce débat, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

Pour le moment, nous allons voter la motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

M. Claude Goasguen. J’ai écouté ce débat avec beaucoup d’attention (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) et j’ai remarqué qu’il y avait un malaise parmi les députés de l’opposition qui, pour la plupart, n’admettent pas qu’on les accuse d’être des fauteurs d’obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Alors que nos collègues de l’opposition défendent une vision de la politique qui serait dégagée de toute tentation d’obstruction, ils ont multiplié les demandes de suspension de séance, les rappels au règlement – dans des conditions souvent contestables (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) – et les motions de procédure, jusqu’à cette motion référendaire pour le moins étonnante.

Mes chers collègues, avez-vous entendu M. Valls prononcer ne fût-ce qu’une fois le terme « référendum » ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il est pour le moins exceptionnel de défendre une motion référendaire sans jamais faire référence au référendum ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais n’allez surtout pas croire que nos amis se sont servis de la motion référendaire pour faire de l’obstruction ; c’était simplement un jeu de langage !

De même, au moment où le quorum est demandé, on voit partir en cohorte un certain nombre de députés, histoire de s’assurer que le quorum ne sera pas atteint ! Mais ce n’est pas de l’obstruction parlementaire, juste une manière sereine et démocratique de débattre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Après s’être comportée de la sorte, l’opposition s’étonne qu’on l’accuse de faire de l’obstruction, et voudrait nous donner des leçons en matière de démocratie parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, il est évident que certains d’entre vous ne sont pas très fiers. Il y avait, notamment, dans l’intervention de M. Urvoas, des hésitations qui ne lui sont pas habituelles lorsqu’il s’exprime dans le cadre de la commission des lois. On dirait que vous n’assumez pas votre choix d’une démocratie frontale et partisane.

Pourquoi, monsieur Urvoas, voulez-vous nous interdire d’évoquer le nom de Léon Blum ? En quoi cela vous gêne-t-il de reconnaître que l’analyse de Léon Blum sur la démocratie anglaise n’est pas liée à un culte du pouvoir présidentiel ? C’est bien la première fois que j’entends dire que la démocratie anglaise serait fondée sur un régime présidentiel ! Bravo pour vos talents de constitutionnaliste, monsieur Urvoas ! Quand vous ne savez pas quoi dire, vous feriez peut-être mieux de ne rien dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, c’est vous qui avez décidé de commencer ce débat par de l’obstruction. Libre à vous de continuer sur votre lancée et de discréditer encore un peu plus le Parlement, vous à qui l’on doit la mise en place d’un système exécutif basé sur le quinquennat, vous qui avez imposé le mode actuel des élections législatives !

Alors que nous essayons, pour notre part, de rétablir au sein de la Ve République une certaine démocratie parlementaire, vous avez choisi de ne pas nous accompagner sur cette voie et vous cherchez à nous donner des leçons. Il est hors de question que nous votions cette prétendue motion référendaire où il n’est jamais question de référendum ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Ça, c’est du talent !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(La motion référendaire n’est pas adoptée.)

Reprise de la discussion

M. le président. Mes chers collègues, nous allons entendre encore un orateur dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Parlement a adopté, en juillet 2008, une réforme constitutionnelle d’une ampleur sans précédent depuis 1958, dont le but affiché – comme les effets réels – est de redonner plus de pouvoirs au Parlement qu’il n’en n’a jamais eus depuis l’avènement de la ve République.

Le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale et nos amis de l’Union Centriste du Sénat ont permis par leurs votes – joints à d’autres, naturellement – l’adoption de cette révision et souhaitent voir son entrée en application dans les meilleurs délais. J’ai entendu, tout au long de la journée, certains de nos collègues de l’opposition affirmer qu’ils souhaitaient l’application de cette révision afin que le Parlement dispose de davantage de pouvoirs, nonobstant le fait qu’ils n’ont pas voté cette révision et continuent, dans les faits, à s’y opposer.

Ce rééquilibrage des pouvoirs trouve aujourd’hui une première traduction dans le projet de loi organique qui nous est soumis.

Le droit de résolution, un droit parlementaire qui avait été aboli en 1958 suite aux abus qui en avaient été faits sous la ive République, est rétabli dans les dispositions prévues dans le premier chapitre du projet de loi. C’est un droit important, en faveur duquel les centristes de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient beaucoup argumenté lors des débats sur la révision constitutionnelle.

Le projet qui nous est proposé prévoit de rétablir le droit de chaque parlementaire de déposer des résolutions, c’est-à-dire de choisir un sujet qu’il souhaite voir débattre et le soumettre au vote. C’est un point important, car il était invraisemblable et assez unique dans les démocraties occidentales que, depuis cinquante ans, les parlementaires, de quelque bord qu’ils soient, en soient en permanence réduits à quémander le consentement du pouvoir exécutif pour obtenir qu’un débat soit organisé sur un thème auquel ils tiennent particulièrement.

Souvenez-vous, chers collègues, de la décision solitaire de Jacques Chirac, alors chef de l’État, de lancer le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne contre la volonté d’une très grande majorité des parlementaires français sur de nombreux bancs – c’est-à-dire des représentants du peuple français – sans même que nous ayons le droit, à aucun moment, de nous prononcer par un vote. Nous n’avions alors eu droit qu’à un débat très pauvre au sein de notre hémicycle. On ne parlait pas alors, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, d’omniprésidence ou d’égoprésidence. Pourtant une telle décision en relevait totalement et nous étions peu nombreux à dénoncer une démocratie bâillonnée où le Parlement n’avait que le droit d’observer, sans dire son mot.

C’est donc une avancée réelle que ce rétablissement du droit de résolution, qui doit permettre au Parlement de faire connaître son opinion même si l’exécutif n’est pas d’accord. Bien sûr, ce droit est encadré pour éviter que le Parlement détourne cette procédure pour mettre en cause la responsabilité ou donner une obligation au Gouvernement. Cependant rien n’empêchera les parlementaires de faire entendre leur voix sur un sujet de leur choix dès lors qu’ils respecteront cette disposition.

Je regrette toutefois, monsieur le secrétaire d’État, que la Constitution ait confié au Premier ministre et pas aux présidents des assemblées le soin de vérifier si les propositions de résolution étaient conformes à notre bloc constitutionnel. Quoi qu’il en soit, si le Premier ministre venait à s’y opposer, le Conseil constitutionnel serait amené à se prononcer sur un éventuel abus de la part du Gouvernement.

Plus important, il ne faut pas que le droit de dépôt de résolution reste un droit virtuel, dans la mesure où il n’y aurait pas de garanties que ces résolutions – ou au moins une partie d’entre elles – viennent en discussion sur décision des groupes politiques qui les auraient déposées. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rendre ce droit réel et garanti en inscrivant dans le bloc constitutionnel le droit pour chaque groupe parlementaire de faire inscrire deux de ses propositions de résolution par session. Le total de huit propositions auquel nous aboutirions ne serait, convenez-en, pas excessif.

Le projet de loi organique ouvre ensuite un second droit important, celui pour les parlementaires que nous sommes d’être parfaitement informés par le Gouvernement non seulement de ses motivations – ce qui est déjà le cas aujourd’hui – mais aussi des travaux d’évaluation préalables à l’élaboration du projet de loi, des possibilités d’agir et de leurs limites à législation constante, des consultations menées avant la saisine du Conseil d’État et d’une programmation dans le temps de la nouvelle législation. Tout cela représente déjà une avancée.

Néanmoins si, comme l’affirme le Gouvernement, on veut revaloriser le travail du Parlement, il faut aller plus loin pour éviter que se débattent et se votent ici des lois superfétatoires ou des projets qui n’ont leur place que dans le domaine réglementaire ou, pire encore, des projets de loi qui ne sont que des déclarations d’intention, parfois de simples outils de communication.

Nous avons tous vu entrer en action, ces dix dernières années, cette véritable mitrailleuse législative qui fait de chaque problème, quelle que soit sa nature, un projet de loi. On frôle le ridicule quand, à chaque fois qu’un chien mord un enfant, il se trouve un ministre pour proposer une loi en urgence et faire le tour des plateaux de télévision pour tenter de convaincre que l’on a réagi. Nous déplorons tous que moins d’un tiers des textes que nous votons, et sur lesquels nous passons parfois beaucoup de temps, soient effectivement entrés en application plusieurs années après.

Je le répète, il nous faut aller plus loin, et, sur ce point, nous souhaitons que le Gouvernement soit attentif aux dispositions complémentaires au chapitre II proposées par notre rapporteur de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, dont Manuel Valls a, à juste titre, souligné que la plupart ont été adoptées à l’unanimité de la commission. Cela montre que les députés ne veulent plus voter en aveugle des textes mal travaillés, mal évalués, mal suivis d’effet, afin de ne pas se perdre dans des débats et des projets inutiles, voire nuisibles, qui discréditent la vie politique et particulièrement la vie parlementaire.

Nous savons que cela impose quelques contraintes supplémentaires au Gouvernement. Cependant, cela est éminemment nécessaire, d’une part pour que nous soyons assurés de l’égalité d’information entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, d’autre part pour garantir qu’un travail sérieux et approfondi a été accompli par le Gouvernement avant de saisir les assemblées parlementaires.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, le groupe Nouveau Centre soutiendra fermement la totalité des propositions de notre rapporteur adoptées en commission, qui sont pour nous la garantie de retrouver le sérieux et la solidité qui sont indispensables quand on touche à ce domaine sacré qu’est la loi,

Après avoir pris acte de ces avancées supplémentaires qui donnent, comme la révision constitutionnelle, des pouvoirs en plus au Parlement, j’en viens au chapitre III, lequel contient les dispositions les plus contestées du texte qui nous est soumis. Si l’article 11 ne pose pas de réelles difficultés, il n’en est pas de même pour les articles 12 et 13.

L’article 12 prévoit une procédure d’examen simplifié en séance plénière pour des textes qui peuvent être traités au fond en commission et qui ne nécessitent pas un débat approfondi dans l’hémicycle. Cette possibilité, qui existe déjà dans le règlement de nos assemblées, est une bonne chose. Toutefois notre tradition intègre également l’idée que cette procédure n’est possible qu’à la condition qu’aucun des présidents de groupe ne s’y oppose, afin d’éviter un détournement de procédure par l’exécutif, qui utiliserait l’examen simplifié pour faire adopter un texte qui le gênerait. Or cette réserve cette forme d’un droit de veto n’est pas reprise dans le texte du Gouvernement, laissant subsister un risque que nous souhaitons voir disparaître.

Je rappelle à chacun de nos collègues que les notions de majorité et d’opposition sont éminemment précaires et que l’on a pu voir, par le passé, une autre majorité commettre des abus. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons, chers collègues, un amendement qui donne le droit à un président de groupe de s’opposer à cette procédure s’il la juge inappropriée. C’est pour nous une garantie fondamentale de nos libertés de parlementaires, mais aussi la garantie de ne pas nous retrouver un jour avec un député, un président de l’Assemblée ou un ministre socialiste qui déciderait, comme on a pu l’entendre dans les années quatre-vingt, que nous avons juridiquement tort puisque politiquement minoritaires.

Quant à l’article 13, je le dis tout net, monsieur le secrétaire d’État, il vous faudra le réécrire si vous voulez notre soutien, car il n’est pas acceptable en l’état.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. En effet, il ne garantit pas que chaque force politique aura le droit de défendre ses amendements, du moment qu’elle ne se livrera pas au jeu pernicieux de l’obstruction parlementaire.

Nous avons voté la réforme constitutionnelle parce qu’elle donnait plus de pouvoirs au Parlement. Nous avons souhaité, par exemple, que l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution soit désormais limitée. Sur ce point, Manuel Valls a eu tort d’affirmer que le vote bloqué permettait de mettre fin à la discussion, car ce n’est pas le cas. En tout état de cause, nous avons souhaité la limitation de l’article 49-3 – à défaut de sa suppression – mais, en contrepartie, il est normal de changer les règles pour empêcher qu’un groupe politique ou même un seul député ne puisse bloquer notre institution.


En effet, je ne vois pas ce qui empêcherait un seul député, en déposant 30 000 amendements – ce que les technologiques modernes permettent, souvenez-vous des 36 000 amendements fondés sur les communes et les codes postaux – de s’arroger un temps de parole équivalent à 2 500 heures de discussion, soit 625 séances, autrement dit plus qu’une mandature. Absolument rien dans notre règlement ne peut le lui interdire, monsieur le président. Un député, je ne dis même pas un groupe politique cherchant à attirer l’attention de l’opinion publique, aurait donc aujourd’hui à lui seul le pouvoir de bloquer l’institution parlementaire s’il le voulait.

Ce n’est évidemment pas raisonnable. Auparavant, le Gouvernement disposait de l’arme du 49-3 pour empêcher ce genre de situation. Désormais, il ne l’a plus et nous devons trouver un autre équilibre.

Nous ne partageons pas la caricature faite par l'opposition qui veut faire croire que la démocratie est en danger. Soyons raisonnables, après les hurlements que nous avons entendus tout au long de la soirée, et faisons un rappel historique qui ne saurait déplaire à M. Urvoas : sous la IIIe République, un président socialiste de l'Assemblée, Fernand Bouisson, avait fait établir une limite aux débats pour éviter de telles dérives. Or la IIIe République, qui fut démocratique, vous en conviendrez, n'est pas morte de cette disposition mais de l'invasion nazie en 1940.

Des dispositions similaires, dissuadant les détournements de procédure, existaient sous la IVe République et même sous la Ve République jusqu'en 1969 où elles furent abandonnées car l'obstruction avait disparu de longue date. On croyait même l’avoir éliminée de notre vie parlementaire.

À cet égard, j’observe que, même si ce projet de loi organique est adopté, le Sénat n’envisage pas de mettre en œuvre cette disposition pour la simple raison que la Haute assemblée ne connaît pas l’obstruction, de gauche comme de droite. Je lisais avec intérêt dans Le Monde daté d’aujourd’hui le point de vue de Guy Carcassonne, qui soulignait que si nous en sommes là, c’est peut-être parce que notre assemblée ne se comporte pas toujours de façon responsable. Venant de l’ancien conseiller parlementaire de Michel Rocard, ces propos peuvent, je crois, faire réfléchir tout le monde et je ne vise pas spécifiquement le groupe socialiste.

En faisant renaître cette sale manie de l’obstruction parlementaire, toutes les oppositions ont peu à peu justifié qu'on remette de l'ordre dans la maison en prévoyant une limite raisonnable à nos débats, et j’insiste, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, sur le terme de « raisonnable ».

Il n'est pas sain d'affirmer que la démocratie serait en danger parce qu'une limite serait posée aux débats lorsqu'un député ou une partie d'entre eux ne chercheraient qu'à empêcher l'institution de légiférer normalement. Cette limite existe dans la plupart des grands pays démocratiques, en particulier en Grande-Bretagne souvent prise en exemple de démocratie parlementaire et aux États-Unis, confrontés parmi les premiers à la nécessité de limiter ce droit après qu’un sénateur a prononcé un discours de plus de vingt-deux heures trente non-stop. À ce propos, permettez-moi de vous rappeler que l’intervention de plus de trois heures et demie faite par Philippe Séguin lors du projet de loi constitutionnelle relatif au traité de Maastricht avait donné lieu à une réforme de notre règlement intérieur visant à limiter la durée des interventions pour défendre les motions de procédure, ce qui n’était pas le cas à l’époque.

Le droit d'amendement a une vocation, celle d'améliorer les textes qui nous sont soumis, pas celle de jouer la montre dans le but d'ameuter l'opinion publique, ce qui n'a jamais fait échec à un projet de loi, comme le rappelait Arnaud Montebourg.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, si l'opposition caricature et donc décrédibilise sa position, cela n'exonère pas pour autant le Gouvernement de la nécessité de garantir à chaque force politique la possibilité de déposer et de défendre ses amendements, même quand ils sont nombreux, dès lors que ceux-ci portent sur le fond du texte. Je dis bien sur le fond du texte car l’opposition socialiste, qui s’est plu à décrier l’attitude du Gouvernement, a déposé un amendement prévoyant de mettre une muselière aux parlementaires et un autre de rétablir le Consulat. On ne sait si ces propositions ont été sérieusement débattues au sein du groupe socialiste qui les a signées mais, si c’est là le nouveau programme politique du PS, il y a quelques craintes à avoir sur la future d’alternance. (Sourires.)

Si la rédaction actuelle de 1’article 13 assure que l'obstruction sera dissuadée, elle ne garantit pas ce droit de débattre au fond pour chaque force politique représentée dans nos assemblées. Nous avons donc déposé des amendements visant à garantir ce droit. Si aucun d'entre eux n'était retenu, si les droits de l'opposition et des groupes minoritaires, que nous avons fait inscrire de haute lutte dans la Constitution, n'étaient pas assurés, nous ne pourrions que nous opposer à ce texte.

Vous avez indiqué lors que votre audition en commission, monsieur le secrétaire d’État, que vous étiez ouvert. Vous l’avez répété aujourd’hui dans cet hémicycle. Eh bien, vous avez aujourd’hui une belle occasion de le montrer, en garantissant notre institution contre l’obstruction et en assurant, dans le même temps, à toutes les forces politiques qu'elles conserveront le droit d'amender les textes dans des conditions satisfaisantes, de défendre leurs amendements et de faire ainsi avancer les droits du Parlement, ce qui était le sens de notre vote au moment de la réforme constitutionnelle.

Il nous reviendra alors à nous, chers collègues, de faire évoluer notre règlement de façon équilibrée pour accompagner cette réforme. Il ne me semblerait pas inutile, monsieur le président, que, après la phase d'écoute qui a été la vôtre lors des travaux préparatoires à la réforme du règlement, vous puissiez faire connaître, comme l’a fait cet été Jean-Luc Warsmann à propos du chapitre II en commissions des lois, les dispositions que vous envisagez pour aménager notre règlement. Voilà qui serait de nature à rassurer beaucoup d’entre nous, sur tous les bancs, et à permettre de sortir des postures politiques pour faire avancer notre démocratie. Nous répondrions ainsi à l’invitation de Guy Carcassonne.

Sortons des postures, faisons en sorte que tout le monde puisse gagner à cette réforme. C’est la voie que l’opposition aurait dû choisir pour permettre à l’Assemblée nationale de profiter de cette initiative gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Déclaration du Gouvernement sur la situation au Moyen-Orient et débat sur cette déclaration ;

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à deux heures dix.)